Du bon usage d’un sommet

Nouvelles routes, tunnels, échangeurs, hôtels de luxe… Depuis deux ans, la capitale fait peau neuve afin d’accueillir les 11e assises de l’Organisation de la conférence islamique (OCI). Dans les meilleures conditions ?

Publié le 3 mars 2008 Lecture : 4 minutes.

« Bienvenue au Sénégal, terre de paix et de foi. » Depuis la mi-février, ce message d’accueil a envahi les murs de Dakar. À quelques jours du 11e sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI), prévu les 13 et 14 mars prochain, le slogan « En route vers le sommet », qui a accompagné deux ans durant les travaux entrepris en vue de la rencontre, n’est plus d’actualité. L’heure est venue aujourd’hui de recevoir les plus hauts représentants de la Oumma (communauté des musulmans). Dans les meilleures conditions.
Le pays de la Teranga (« hospitalité », en wolof) n’en est pas à son coup d’essai. En 1991, déjà, Dakar avait accueilli le 6e sommet de cette organisation de 57 États, qui, depuis sa création en 1969, vise à favoriser la solidarité économique et culturelle entre ses membres. Avec une population à 95 % musulmane, le Sénégal – seul pays d’Afrique subsaharienne à avoir été désigné deux fois pour abriter ce grand rendez-vous – est l’un des États ayant participé le plus activement à la création de l’OCI. De 1975 à 1979, c’est d’ailleurs un Sénégalais, Amadou Karim Gaye, qui a occupé le poste de secrétaire général de cette institution.
Depuis deux ans, Dakar fait peau neuve. Nouvelles routes, échangeurs, tunnels, hôtels haut de gamme sur le littoral Le montant de l’investissement mobilisé pour l’OCI s’élève à 356 milliards de F CFA (535 millions d’euros). L’apport du Sénégal couvre 5 % des dépenses. Le reste est pris en charge par des privés (20 %) et des bailleurs de fonds (75 %), venus pour la plupart des pays du golfe Arabo-Persique. Quelque 5 000 participants sont attendus pour trois jours dans la capitale et sur la Petite Côte. Selon les prévisions, chaque visiteur déboursera environ 200 000 F CFA par jour pour l’hébergement, la restauration, le transport, les communications Au total, 4 milliards de F CFA devraient tomber dans les caisses du Sénégal. De quoi donner un sacré coup de pouce à l’économie du pays.

Petits plats dans les grands
Au lendemain du démarrage des premiers chantiers de l’Agence nationale de l’OCI (Anoci), le président Abdoulaye Wade avait clairement affiché sa volonté de doter le pays d’infrastructures de qualité pour favoriser son développement, et de faire de Dakar une véritable capitale du tourisme d’affaires capable d’accueillir 1,5 million de voyageurs par an dès 2010, contre 700 000 actuellement. En 2006, les recettes brut de ce secteur d’activité, l’un des plus porteurs du pays, s’élevaient à 306,2 milliards de F CFA (6,8 % du PIB).
Aussi les autorités sénégalaises ont-elles mis les petits plats dans les grands. Pas moins de six hôtels de luxe ont été commandés à des promoteurs locaux (Theyllium, Terrou Bi), espagnols (Tegecovi, Mixta Africa) et koweïtien (Al Kharafi). Coût total de l’opération : 240 milliards de F CFA. L’ouverture des nouveaux complexes fera ainsi passer la capacité hôtelière de Dakar de 3 572 à 5 000 chambres. « Le taux de remplissage d’un hôtel quatre étoiles à Dakar étant en moyenne de 70 %, il faudra environ cinq ans pour que les investissements soient amortis », note le responsable de la division des infrastructures immobilières de l’Anoci, Cheikh Ibrahima Gaye. Augmenter la capacité hôtelière suffira-t-il à redynamiser le tourisme d’affaires ? Pas sûr « L’État doit renforcer son budget de promotion du tourisme, qui est aujourd’hui de 1 milliard de F CFA par an, et surtout diversifier ses marchés, préconise un agent du ministère du Tourisme. Car, aujourd’hui, les principaux visiteurs sont français. » Pour sa part, Mamadou Racine Sy, qui préside le syndicat patronal de l’industrie hôtelière, relève que l’abaissement de la taxe sur le tourisme de 18 % à 10 % est nécessaire à l’expansion du secteur.
Censés accueillir les nombreux hôtes du sommet, ces établissements ne seront toutefois pas achevés dans les délais. L’Anoci a donc pris des dispositions pour les loger dans d’autres hôtels de la capitale et de la station balnéaire de Saly (à environ 100 km de Dakar). Plusieurs dizaines de villas ont également été réservées. Les loueurs de voitures, quant à eux, devraient mettre plus de 2 200 véhicules à la disposition de l’Agence. Laquelle bénéficiera en outre d’une centaine de limousines offertes par l’Iran.
Autre priorité liée au sommet : les aménagements routiers, qui portent sur près de 90 kilomètres et concernent onze tronçons dans la capitale. À moins de deux semaines des assises de l’OCI, certains chantiers sont encore loin d’être terminés. Sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, près de 4 000 travailleurs s’activent aux côtés des excavateurs, bulldozers et autres engins mécaniques. Le directeur exécutif de l’Anoci, Abdoulaye Baldé, se veut malgré tout rassurant et répète à l’envi que ces travaux seront achevés à temps. Au grand soulagement des automobilistes, qui n’en peuvent plus des interminables bouchons. Et ils ne sont pas les seuls. En 1996, une étude avait démontré que les pertes liées à l’encombrement routier représentaient 102 milliards de F CFA par an. Alors, depuis le lancement des travaux
La majorité des Dakarois admet cependant que ces chantiers, aussi nombreux et agaçants soient-ils, sont utiles. La réouverture partielle, il y a quelques mois, de la corniche ouest permet désormais de rejoindre le centre-ville en seulement quinze minutes. Il n’y a pas si longtemps, il fallait plus d’une heure pour parcourir la dizaine de kilomètres séparant le quartier administratif du Plateau de la périphérie de la capitale. Plus de 100 milliards de F CFA ont été investis dans les aménagements routiers, qui ont créé 1 700 emplois. La plus grande partie du financement est assurée par le Fonds saoudien de développement, le Fonds koweïtien et la Banque islamique de développement (BID). L’État a pour sa part injecté 16,4 milliards de F CFA. Les travaux sont essentiellement réalisés par des entreprises locales (Consortium d’entreprises, Compagnie sahélienne d’entreprises et Eiffage Sénégal, ex-Fougerolle).
D’aucuns espèrent que la métamorphose de Dakar symbolisera l’entrée du Sénégal dans une ère nouvelle et qu’elle garantira le succès du prochain sommet de l’OCI. Pour le ministre des Affaires étrangères Cheikh Tidiane Gadio, comme pour les plus hautes autorités de l’État, ce rendez-vous doit faire date dans l’histoire du Sénégal.

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