Un éternel militant de l’Afrique

Publié le 4 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

«Jeune Afrique a joué un rôle de tout premier plan dans les grands débats qui ont secoué l’Afrique et contribué à la prise de conscience de générations d’Africains, surtout en ce qui concerne les défis à relever pour donner à notre continent la place à laquelle il a droit. Je rends ici hommage à ce journal et lui souhaite tous mes voeux de succès dans sa lutte pour une société mieux informée, mieux préparée à affronter les défis d’un monde pacifique, sûr et juste. » Ce sont les mots (en portugais) du président cap-verdien, Pedro Pires, dans le livre d’or du groupe Jeune Afrique, ce 21 février 2003, à peine quelques heures après la fin du Sommet France-Afrique auquel il venait de participer.
Arrivé dans nos locaux à 15 heures précises, Pires y a passé près d’une heure. Une heure pour rencontrer, pour la première fois, le fondateur d’un journal qu’il avoue lire « assez régulièrement, depuis l’époque où il s’appelait Afrique Action ». C’est-à-dire depuis plus de quarante ans. « Dans Jeune Afrique/l’intelligent, je lis toujours le « Ce que je crois » », affirme-t-il à l’endroit de Béchir Ben Yahmed, avant d’ajouter, dans un grand éclat de rire, « la plupart du temps, nous sommes d’accord sur beaucoup de sujets ! » Comme, par exemple, sur la Côte d’Ivoire. « Le problème de la Côte d’Ivoire est le résultat d’une mauvaise transition démocratique, un mauvais passage de témoin d’une génération politique à une autre. On devrait réfléchir plus sérieusement aux mutations politiques en Afrique. » Et voilà Pires parti dans de longues théories sur le développement du continent, l’héritage colonial, le retard de l’Afrique sur des pays asiatiques pourtant guère mieux lotis qu’elle à l’indépendance…
Lorsqu’il s’exprime ainsi, c’est l’éternel militant de la cause africaine, le vétéran de la guerre d’indépendance du Cap-Vert, qui prend le dessus sur le chef d’État qui fêtera ses 69 ans le 29 avril prochain. C’est ce passé qui fait de Pires un chef d’État pas comme les autres : à la fin des années cinquante, il commence des études de sciences à Lisbonne avant d’être appelé sous les drapeaux portugais, qu’il quitte en 1961, pour rejoindre son pays. Muni de titres de voyage sénégalais, il entame un périple qui le mènera successivement en Espagne (où il est arrêté avec quelques-uns de ses camarades pendant vingt-quatre heures avant d’être libéré), en France (en pleine guerre d’Algérie), au Ghana (où il rencontre son mentor Amilcar Cabral), puis en Guinée, au Maroc et au Sénégal.
À l’époque, Pires est membre du Parti africain pour l’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC), dont il est le chargé du recrutement et de la formation des combattants. C’est donc tout naturellement qu’on le retrouve (après une longue lutte acharnée) dans la délégation du PAIGC chargée de négocier l’indépendance de la Guinée-Bissau d’abord, puis celle du Cap-Vert, proclamée le 5 juillet 1975. À l’indépendance, Pires entame une longue carrière de Premier ministre, de 1975 à 1990. À l’avènement du multipartisme en 1990, le Parti africain pour l’indépendance du Cap-Vert (PAICV, ex-parti unique de l’archipel), perd les élections et entame une longue période d’opposition pendant plus de dix ans, avant de gagner les élections législatives en janvier 2001 et de faire élire Pedro Pires à la présidence de la République le 25 février de la même année.
La démocratie cap-verdienne, malgré un environnement régional troublé, continue ainsi son petit bonhomme de chemin et reste, avec le Sénégal, le seul État d’Afrique de l’Ouest à ne pas avoir connu de coup d’État militaire. « Lorsque les institutions fonctionnent correctement, il n’y a jamais de coups d’État, même sous un régime de parti unique comme cela a été le cas au Cap-Vert. L’armée n’est pas l’État, elle est une partie de l’État. »
La priorité est donc au développement du pays, pour lequel Pires compte beaucoup sur la diaspora cap-verdienne. Celle-ci (près de 400 000 personnes dispersées entre le Sénégal, le Portugal, les Pays-Bas, les États-Unis, le Brésil, l’Argentine, la France…) contribue pour près de 15 % au PIB. Il lance aussi un appel aux investisseurs étrangers et invite les touristes à venir découvrir l’archipel. Pour l’heure, seuls quelque 400 000 d’entre eux visitent ce pays dont son président rappelle qu’il reste « accueillant, offre un climat excellent, une mer chaude » et vit selon un triptyque tout simple : « paix, stabilité, sécurité ».

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