Une victoire sur la faim

Congo. Grâce à l’aide fournie par les États-Unis et la RFA, Léopoldville a évité la famine. In extremis.

Publié le 4 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

De longues files de Congolais se forment tous les matins devant les boulangeries. Les rayons des magasins sont vides, faute de licences d’importation. La situation alimentaire est grave, en raison notamment du refus des nouvelles provinces d’acheminer leur production vers Léopoldville. La province des Bakongos, notamment, a décrété un blocus de fait. Toute la production vivrière de cette région est accumulée dans son chef-lieu, Kasangulu, où les résidents de la capitale sont obligés de se rendre pour se ravitailler. Certains milieux proches d’Adoula n’hésitent pas à avancer que le Kongo central (appellation de la province bakongo) fait ses premiers pas vers la sécession.
Pourtant, grâce à certains pays, le Congo peut éviter la famine. La République fédérale allemande vient d’offrir au Congo 8 950 tonnes de farine, 2 000 tonnes de lait en poudre, 500 tonnes de lait condensé et 200 tonnes de pois secs. Les États-Unis ont annoncé l’arrivée prochaine de 85 000 sacs de farine, de 200 tonnes de beurre et de 50 tonnes de fromage.
Déjà, courant janvier, une famine généralisée avait été évitée de justesse dans la capitale congolaise par l’arrivée de 24 000 tonnes de sacs de farine. Depuis plusieurs semaines, les boulangers sont obligés de rationner la vente du pain. Ces derniers, comme d’autres fournisseurs, n’ont pas réussi à doubler leur production, faute de licences pour importer des pièces de rechange et des matières premières. Résultat : un déséquilibre croissant entre l’offre et la demande.
La situation économique du Congo est pourtant loin d’être fondamentalement mauvaise. Certes, la monnaie congolaise court encore le risque d’être dévaluée, à cause de l’inflation galopante qui sévit dans ce pays. Mais selon les études de l’Institut congolais des recherches économiques et sociales, le second semestre de 1962 a vu une augmentation de la production des produits d’exportation. Selon le directeur de l’institut, le Pr Hugues Leclercq, la production manufacturière locale s’est accrue de 20 % en 1962, par rapport à 1959. Il y a eu, pour la première fois depuis trois ans, une reprise de l’emploi et une réduction du chômage. Première depuis l’indépendance, la balance des paiements devrait accuser un solde bénéficiaire. Grâce, notamment, à l’aide américaine : l’équivalent de 300 millions de francs français.
Selon le Pr Leclercq, les perspectives économiques pour 1963 sont assez encourageantes : les exportations congolaises devraient atteindre – avec les exportations de minerai du Katanga – 17,5 milliards de francs. On peut s’attendre à un accroissement des importations du Congo et de la production locale. L’augmentation de la production nationale par rapport à 1962 devrait être de l’ordre de 15 %. Le redressement de la situation financière dépendra essentiellement d’une limitation du déficit budgétaire au niveau de celui de l’année dernière. Mais aussi du contrôle rigoureux des dépenses publiques et de la fiscalité.
Ces mesures, estime le Pr Leclercq, sont loin d’exiger un effort d’austérité intolérable. « Il n’est pas nécessaire de réduire l’ensemble des dépenses budgétaires. Il faut discipliner l’exécution du budget, faire la chasse aux dépenses irrégulières. À longue échéance, une situation monétaire catastrophique provoquera l’émiettement économique du pays. Par contre, si l’on assiste à un redressement des finances publiques en 1963, nous pourrions assister à un nouveau miracle congolais. »
Les mesures préconisées par cet économiste ne peuvent porter leurs fruits que si les autorités locales les pratiquent avec conviction. Autre condition : la réintégration inconditionnelle du Katanga. Les récents déplacements de Tshombé en Angola, en Rhodésie et à Paris ont suscité l’inquiétude chez les cercles gouvernementaux congolais. L’ONU, accusée plus d’une fois de faiblesse, a fait le maximum. Ou bien le gouvernement central envoie des troupes de l’armée nationale au Katanga. Dans ce cas, on peut espérer que cette province redeviendra congolaise. Ou bien il ne le fera pas. Alors la sécession continuera, de fait.

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