Nkrumah coprésident de la Guinée

Publié le 4 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

Proclamée à la fin de 1958, l’Union Ghana-Guinée, entre les deux premières colonies africaines ayant accédé à l’indépendance, se présentait comme « le noyau des États-Unis de l’Ouest africain ». Bien qu’étendue au Mali en avril 1961, elle est restée parfaitement virtuelle. Si bien qu’on n’y fait même pas référence lorsque, le 2 mars 1966, venant de Pékin où il a appris sa destitution, le président ghanéen Kwame Nkrumah est accueilli chaleureusement à Conakry par Sékou Touré, qui le nomme coprésident de la République de Guinée. Le titre restera purement honorifique et son titulaire sera bientôt quasiment oublié.
Il faut dire que l’immense popularité dont Kwame Nkrumah a joui et jouit encore sur tout le continent n’a guère eu de prolongement parmi les chefs d’État africains. Car ceux-ci ont bientôt pris ombrage de son arrogance et de sa prétention à fédérer un immense ensemble territorial dont il se considérait comme le chef naturel.
Le 7 avril 1957, un mois après l’indépendance du Ghana, le futur président Houphouët-Boigny avait parié à son voisin, en visite à Abidjan, que la Côte d’Ivoire, ayant opté pour le libéralisme économique et pour une étroite association avec la France, atteindrait un niveau de développement supérieur à celui du Ghana socialiste en moins de dix ans.
Pourtant, l’année suivante fut celle du triomphe de Nkrumah, avec les deux conférences d’Accra. En avril, la conférence des États indépendants d’Afrique réunit l’Égypte, l’Éthiopie, le Ghana, le Liberia, la Libye, le Maroc, le Soudan et la Tunisie, ce qui était un succès extraordinaire. En décembre, la conférence des peuples d’Afrique fut une tribune sans précédent pour les délégués de partis, de mouvements ou de syndicats de vingt-huit pays, la plupart encore à l’état colonial. Y apparurent des inconnus qui allaient faire du chemin, comme Patrice Lumumba, à qui Nkrumah enverra des troupes après l’indépendance du Congo.
Mais à partir de 1960, « l’année des indépendances », les relations du Ghana avec ses voisins sont exécrables. En effet, Nkrumah soutient les mouvements irrédentistes du Togo et de la Côte d’Ivoire. Dans le même esprit, il donne asile et moyens à d’autres partis d’opposition armée, le Sawaba du Niger et l’Union des populations du Cameroun.
En 1961 se structurent plus ou moins les deux tendances qui s’affronteront pendant des décennies : le groupe dit de Brazzaville, puis de Monrovia, constitué d’abord par les pays francophones « modérés » et qui comptera bientôt vingt membres, et le groupe de Casablanca, réputé « radical » : Égypte, Ghana, Guinée, Mali et Maroc, plus le Gouvernement provisoire de la République algérienne.
À la conférence constitutive de l’OUA, en mai 1963 à Addis-Abeba, Nkrumah, devenu « président à vie » de son pays, présente un projet de gouvernement africain. Il est abandonné par ses amis du groupe de Casablanca. Dès lors, il est de plus en plus isolé. Il fait entraîner des commandos d’opposants ivoiriens, nigériens et voltaïques (burkinabè) par des instructeurs est-allemands et chinois. En octobre 1965, il parvient difficilement à réunir à Accra le troisième sommet de l’OUA ; malgré l’absence de ses principaux adversaires des quatre pays du Conseil de l’entente – Bénin, Côte d’Ivoire, Haute-Volta et Niger -, du Gabon, de Madagascar, du Tchad et du Togo, son projet d’exécutif panafricain est à nouveau repoussé.
Sur le plan intérieur, en 1966, le temps est loin où, avant l’indépendance, le gouvernement Nkrumah avait inscrit à son actif un développement rapide de l’instruction, de la santé et des transports. L’entretien munificent d’étrangers révolutionnaires ou prétendus tels grève le budget, qu’il faut renflouer à coups d’impôts nouveaux. Le culte de la personnalité de plus en plus délirant contribue à l’impopularité du chef de l’État. Le projet d’envoyer l’armée en Rhodésie (Zimbabwe) pour renverser le régime raciste est une des gouttes d’eau qui, à la fin de février 1966, font déborder le vase.
Les successeurs de Kwame Nkrumah n’accompliront rien de mieux, et le panache en moins, ce qui suscitera la nostalgie. Si bien que le troisième d’entre eux, le général Acheampong, rapatriera la dépouille de Kwame Nkrumah après la mort de celui-ci – en 1972 à Bucarest, à l’âge de 63 ans -, pour l’inhumer dans son village natal, et qu’il fera édifier une nouvelle statue de l’Osagyefo (le rédempteur) à la place de celle qui avait été déboulonnée en 1966.

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