Le petit prince du diamant

Emprisonné pour son militantisme sous l’apartheid, Tiego Moseneke prend aujourd’hui sa revanche dans les affaires. Sans haine ni amertume.

Publié le 4 mars 2003 Lecture : 3 minutes.

A 39 ans, Tiego Moseneke revient de loin. À l’époque où appartenir à l’African National Congress (ANC) signifiait des tracasseries à n’en plus finir de la part du régime raciste blanc, Moseneke en était l’un des leaders nationaux étudiants. Avant l’arrivée au pouvoir de l’ANC en 1994, les tenants de l’apartheid voulaient sa peau et peu leur importait que Tiego fasse ses études à l’université « blanche » de Wits. Cela ne lui a pas évité de connaître la prison – de 1988 à 1990 -, puis la résidence surveillée pendant un an, pour activités politiques.
C’est derrière les barreaux qu’il a terminé ses études de droit. Il fut ensuite, pendant une dizaine d’années, avocat d’affaires pour diverses firmes avant de devenir directeur du cabinet Moseneke and Partners. Puis le voilà qui s’associe à des entreprises comme New Diamond Holdings, Letlotlo Investment Holdings, African Renaissance Holdings, Transcontinental Diamond Corporation, pour créer la New Diamond Corporation (NDC) en décembre 1998. Grâce à un prêt de 20 millions de dollars garanti par la De Beers, qui contrôle 90 % du marché du diamant sud-africain, l’aventure de la NDC commence avec l’achat de six mines de diamant.
Mais pourquoi ne pas avoir continué à militer au sein de l’ANC pour se retrouver, comme beaucoup de ses anciens camarades de lutte, dans le gouvernement sud-africain ? « J’ai joué mon rôle du temps de l’apartheid puis j’ai décidé de tourner la page. Je me sens bien dans le monde des affaires et, surtout, je n’envie pas du tout les ministres. Nous avons la chance d’avoir en Afrique du Sud un schéma social qui permet aux hommes d’affaires de travailler en paix sans compter sur les hommes politiques. Il n’y a que dans les pays où les politiques interviennent dans les affaires que les managers cherchent, coûte que coûte, à entrer dans le gouvernement. »
Aujourd’hui ce père de trois enfants plein d’humour, qui reçoit les journalistes sans fioritures dans ses luxueux locaux de Sandton, l’un des quartiers cossus de Johannesburg, savoure sa revanche, sans excès. Deux cent cinquante personnes et près d’une centaine de contractuels – « des Blancs et des Noirs », précise-t-il – travaillent sous ses ordres. Résultat, un bénéfice net de plus de 4 millions de rands (plus de 450 000 euros) pour une production de près de 120 000 carats en 2001. D’ici à 2007, la NDC vise une production de 1 million de carats !
Fini les tracasseries, les humiliations, les privations. C’est une revanche à la fois sociale, Moseneke étant issu d’un milieu modeste, et historique. Une revanche sur cette société sud-africaine, qui longtemps lui a refusé (comme à ceux de la communauté) les droits les plus élémentaires. Pourtant l’homme n’explique pas sa réussite par la seule abolition de la politique d’apartheid et l’avènement d’un gouvernement noir, démocratique : « Je ne serais probablement pas arrivé à ce niveau s’il n’y avait pas eu de changement politique en Afrique du Sud, mais je ne dois pas ma position au seul fait d’être noir. » Autrement dit, il a dû se battre pour en arriver là.
Tiego Moseneke a gardé ses « amitiés blanches », les vraies, acquises dans les amphithéâtres de la faculté. À ces amis-là, devenus pour la plupart des managers comme lui, il tend la main pour former une chambre de jeunes entrepreneurs blancs et noirs. « Dans le passé, il était tout à fait normal de créer un syndicat formé exclusivement d’hommes d’affaires noirs – le Black Business Cocus – qui fonctionnait comme un lobby. Mais, aujourd’hui, cela n’est plus nécessaire puisque la situation politique s’est normalisée. Je travaille à l’idée d’un rassemblement entre les jeunes managers blancs et noirs autour d’un même syndicat. »
En attendant, Moseneke continue de travailler plus de quatorze heures par jour et se rend, quand il le faut, au bureau dès 6 heures du matin. Le reste du temps, il voyage à travers le monde notamment en Angleterre, pratique le golf les week-ends et s’adonne, quand il le peut, à sa vraie passion : jouer avec ses enfants.

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