Sénégal – Adji Sarr : « Comment Ousmane Sonko a détruit ma vie »

Elle avait disparu des radars. Un an après l’arrestation de l’opposant et les émeutes qui ont suivi, la plaignante revient sur son quotidien depuis qu’elle a porté plainte contre Ousmane Sonko. Et maintient toutes ses accusations.

L’interview d’Adji Sarr s’est déroulée fin février 2022, à son domicile. © Am C S

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Publié le 1 mars 2022 Lecture : 8 minutes.

Dans la pénombre du salon aux rideaux tirés, la jeune femme entre sans un mot. Avant de prendre la parole, il lui faut terminer d’égrener son chapelet. Voile noir sur tunique noire, Adji Sarr apparaît de la même manière qu’elle s’était révélée aux yeux des Sénégalais en mars 2021, il y a un an de ça. Pieuse, discrète, presque effacée. Mais déterminée.

À l’époque, l’accusatrice d’Ousmane Sonko avait choisi de s’exprimer devant la presse pour nier tout complot contre l’opposant et réitérer ses accusations. Le 3 février 2021, cette employée du Sweet beauté spa, déposait plainte devant le commandant de la brigade de recherches de la gendarmerie de Colobane. Elle accusait alors le député de l’avoir violée, à plusieurs reprises, dans ce salon de massage dakarois où elle travaillait, et de l’avoir menacée de mort.

Ma vie, si on peut appeler ça une vie, se limite à aller et venir entre ma chambre et mon salon

Un an plus tard, le discours de la jeune femme n’a pas changé. En revanche, sa vie n’est plus la même. Depuis que son nom et son visage poupin ont été révélés au grand jour, Adji Sarr vit recluse, terrifiée à l’idée qu’un voisin ne la reconnaisse. Sujette à des crises d’angoisse et des épisodes de dépression nerveuse, elle vit accompagnée par intermittence de certains membres de sa famille, dans des appartements dakarois où elle ne reste jamais longtemps.

« Ma vie, si on peut appeler ça une vie, se limite à cet appartement, à aller et venir entre ma chambre et mon salon, nous assure-t-elle. Je ne peux pas sortir, je ne peux pas me mettre à la fenêtre de peur qu’on me voie. » Placée sous protection policière, la jeune femme vit 24 heures sur 24 avec trois agents de la BIP (Brigade d’intervention polyvalente).

« Je ne regrette rien »

Menacée de mort pour avoir porté plainte contre Ousmane Sonko, la jeune femme est perçue par les partisans de l’opposant, et par une partie de l’opinion, comme la pièce maîtresse d’un complot politique ourdi contre celui qui était arrivé troisième à la dernière élection présidentielle. Traitée de tous les noms, taxée de prostituée et de menteuse, elle est soupçonnée d’avoir travaillé main dans la main avec le régime de Macky Sall pour faire emprisonner son adversaire.

Au Sénégal, une jeunesse exaspérée par le chômage et le manque de perspective économique s’était précipitée dans les rues à l’appel d’Ousmane Sonko lorsque l’affaire avait éclaté. Il accusait alors le président Macky Sall d’avoir fomenté « un complot odieux et minable » et « une lâche cabale politique » contre lui. Dans les grands centres urbains du pays, les affrontements entre les manifestants et les forces de police, très violents, avaient mis le pays en émoi et le pouvoir aux abois. Au moins 14 personnes sont mortes au cours des émeutes de mars 2021, sans qu’aucune responsabilité n’ait été encore établie.

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Adji Sarr, elle, se sent « responsable » de la mort de ces 14 jeunes. « Je regrette d’avoir porté plainte. Je me sens insignifiante, je me dis, « qui suis-je pour oser porter plainte contre lui ? ». Mais d’un autre côté, je ne regrette rien. Ce que j’ai raconté, cela s’est vraiment passé. Je veux que les Sénégalais sachent qui est vraiment Ousmane Sonko. »

Je veux que les Sénégalais sachent qui est vraiment Ousmane Sonko

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