La chasse aux milliardaires
Publié le 4 mars 2003 Lecture : 2 minutes.
On apprend avec stupeur que l’oligarque russe Boris Berezovski, soupçonné de « blanchiment aggravé » par la justice française, vit tranquillement au Maroc. L’ami Boris a acheté une villa dans la palmeraie de Marrakech. Qui est ce pèlerin ? me demandez-vous. Sachez donc qu’il était l’éminence grise d’Eltsine lorsque celui-ci présidait – entre deux cuites – aux destinées de la Russie. Berezovski est toujours aussi gris, mais c’est son portefeuille qui est devenu éminent. La justice de divers pays s’intéresse à ce milliardaire qui est en bisbille avec Poutine dans un dossier de détournements de fonds. Nous, on s’en fiche, me disent les Marrakchis que j’ai interrogés, el-hadj Boris peut même avoir volé les tours du Kremlin, du moment qu’il paye sa harira sur la place Jamaa el-Fna et qu’il cotise à l’assurance vieillesse de la Wafabank.
Sur les gradins du stade de foot, je rencontre le commissaire Bensari, auquel je demande tout de go s’il s’intéresse à Berezovski. Bien sûr, me dit-il, j’ai deux policiers en djellaba qui ne le lâchent pas d’une semelle.
– Pourquoi, vous craignez qu’Interpol ne l’enlève ? Ou l’ex-KGB ?
– Pas du tout, me répond Bensari. Au fond, tout le monde est bien content que cet homme se terre ici. Il en sait long sur beaucoup d’hommes d’État… Non, ce que je crains vraiment (il baisse la voix et ses yeux fouillent les environs), ce sont les agents de l’Office tunisien du tourisme.
– Comprends pas.
– C’est pourtant évident. S’ils arrivent à entrer en contact avec Berezmachin, ils pourraient lui refiler des brochures sur les villas de Sidi Bou Saïd et l’inciter à aller s’installer là-bas. Et alors, adieu les milliards du Russe.
– C’est crédible, ça, comme menace ?
– Mais les Tunisiens sont redoutables, ils nous ont déjà ravi quinze milliardaires et cent douze millionnaires ! Et ce n’est pas tout. Vous voyez ce type là-bas, qui fait semblant de s’intéresser au match ? Un agent du Tourisme turc, chargé lui aussi de retourner les milliardaires. Il les envoie à Antalya dans des villas au bord de l’eau. Et là-bas, l’Africain élégant ? Le Tourisme sénégalais. Pas plus tard qu’hier, il nous a retourné un acteur français – nous voilà avec un riad inoccupé sur les bras – et trois tailleurs italiens. C’est un monde impitoyable. Vous savez que le prochain James Bond sera entièrement tourné dans une agence de voyages ?
– Et vous ne faites rien ? Du temps de Basri, on aurait expédié ces professionnels du tourisme au fond du désert, à compter les Hommes Bleus.
– Oh, mais nous ne nous laissons pas faire. Nous rendons coup pour coup. Tenez, ce Berezovski, je l’ai moi-même volé à l’Irlande, où il avait acheté un manoir…
