Saddam contre Saddam

Pourquoi le raïs irakien n’a plus la cote.

Publié le 4 février 2003 Lecture : 2 minutes.

Nous vivons actuellement un remake du bras de fer ayant opposé, en 1990-1991, les Alliés, conduits par les États-Unis, et l’Irak. Nous retrouvons les mêmes protagonistes, ou presque. À Washington, George H. Bush est dignement représenté par son propre fils, George W. Bush. À Bagdad, Saddam Hussein est toujours là, plus têtu que jamais, déterminé à aller jusqu’au bout de son destin de paria international.
Plébiscité en octobre dernier avec un score digne d’un conte des Milles et Une Nuits (100 % de oui), le raïs n’est plus considéré par une bonne partie de l’opinion arabe comme un valeureux guerrier narguant l’ogre américain ou une sorte de Saladin des temps modernes s’apprêtant à reconquérir Al-Qods (Jérusalem).
Dans l’esprit des Arabes, le Saddam de 2003 ressemble à s’y méprendre à ce qu’il est réellement : un despote oriental, suffisant et borné, pris au piège de sa mégalomanie. Aussi, et à l’exception de quelques mercenaires de la plume qui continuent de hanter les hôtels de Bagdad et de donner des interviews complaisantes aux journaux irakiens, peu d’intellectuels arabes osent aujourd’hui défendre un homme qui, en près de trente ans de règne sans partage, a réussi l’exploit d’appauvrir l’un des pays les plus riches du Moyen-Orient et de contraindre ses élites au silence ou à l’exil.
Quant à la fameuse « rue arabe », aujourd’hui étrangement calme et résignée, si elle continue d’éprouver une grande compassion à l’égard du peuple irakien, meurtri par vingt-deux ans de guerre et douze ans d’embargo, elle n’a plus aucune admiration pour cet homme qui a fait le malheur de son peuple.
Fini donc les portraits de Saddam dans les souks de Marrakech, de Kairouan ou de Khartoum. Les foules qui manifestent à Amman, Le Caire, Manama ou Damas contre une intervention militaire américaine en Irak ne scandent plus son nom. Il s’est même trouvé, dans quelque campus égyptien, des manifestants qui vilipendaient dans un même élan le dictateur irakien et son adversaire du jour, George W. Bush.
À cette impopularité, quatre raisons principales.
Un : Saddam, qui a troqué son panarabisme d’appareil pour un islamisme de pur apparat, n’a jamais essayé, au cours des douze dernières années, de desserrer l’étau autour de son peuple. Les milliers de jeunes Irakiens fuyant leur pays dans des embarcations de fortune, risquant leur vie pour rejoindre quelque eldorado européen, donnent une piètre image du régime en place à Bagdad.
Deux : les opposants irakiens ont pu enfin prendre la parole pour dénoncer les abus de Saddam et de son régime tribal. L’homme n’est donc plus mis en cause par les seuls Occidentaux, dont les récits étaient considérés comme partiaux et douteux, mais aussi par les Irakiens eux-mêmes.
Trois : les abus de pouvoir d’Oudaï et de Qossaï, les deux fils du raïs (trafics en tout genre, liquidations physiques, intimidations…).
Quatre : au terme de tant d’échecs, de désillusion et d’humiliations, les Arabes sont fatigués. Ils n’ont plus besoin de héros, mais de dirigeants droits, honnêtes et respectueux de leurs peuples. Des anti-Saddam en quelque sorte…

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