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Les rebelles n’ont pas obtenu le départ du chef de l’État. Mais ils sont prêts à certains compromis pour faciliter la mise en oeuvre de la transition.

Publié le 4 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Après la conlusion de l’accord de Marcoussis, les mouvements rebelles semblent satisfaits. Leurs objectifs principaux visaient à modifier le fameux article 35 de la Constitution, la loi sur la nationalité et celle sur le domaine foncier rural : ils ont été atteints. Finalement, le départ du pouvoir de Laurent Gbagbo et l’organisation immédiate d’élections générales n’ont été que des écrans de fumée destinés à masquer le coeur des revendications du MPCI, du Mpigo et du MJP.
La composition du gouvernement de « réconciliation nationale », qui octroie au mouvement rebelle de Guillaume Soro les ministères de la Défense, et de l’Intérieur et de la Sécurité, a consacré cette victoire. Le secrétaire général du MPCI est resté serein face à l’avalanche des réactions à Abidjan, après l’annonce de ce choix. « Ne serait-ce que par respect pour tous les chefs d’État qui ont entériné l’accord de Marcoussis, il n’est pas question de le remettre en cause. Si le PDCI, l’ancien parti au pouvoir, avait reçu ces portefeuilles et que nous l’ayons officiellement accepté, aurait-on trouvé juste et raisonnable que nous changions d’avis deux jours plus tard ? » a-t-il commenté, le 28 janvier.
Il reste que les débordements, artificiellement provoqués ou non, dans le sud du pays, préoccupent les responsables militaires rebelles, qui ont placé leurs troupes en « alerte maximale ». Elles se trouvent ainsi prêtes à riposter à d’éventuelles attaques des forces loyalistes.
Mais pour les membres influents du MPCI, le véritable enjeu réside davantage dans l’administration du territoire et de sa population jusque dans les plus petites communes que dans le contrôle d’une armée qu’ils jugent en quasi-déconfiture et d’une gendarmerie difficile – pour eux – à maîtriser. En effet, le pouvoir de recensement de la population et d’attribution des cartes d’identité ivoiriennes à tous ceux qui en étaient auparavant privés va permettre de redessiner le paysage électoral. C’est donc l’échéance de 2005 qui est visée.
Les responsables politiques et militaires au plus haut niveau devront transmettre ce message à leur base. Ils devront le faire d’autant plus rapidement que le décalage entre les négociateurs présents à Paris et les habitants de la zone Nord a commencé à se faire sentir dès le moment où ces derniers ont appris que le président de la République resterait en poste. « Gbagbo démission » n’était pas qu’un slogan de manifestation, mais une véritable revendication. Il a fallu des consignes fermes, données par téléphone, en particulier en direction des postes de l’Ouest tenus par le MPIGO, pour que les troupes restent l’arme au pied. Il est important qu’aucune tête brûlée ne vienne écorner leur réputation de « bonne conduite », en particulier au moment où la zone Sud s’illustre par des pillages, des tueries interethniques ou interreligieuses, comme le 27 janvier à Agboville, à 80 km au nord d’Abidjan.
Seydou Diarra, le Premier ministre de la transition, a donc commencé à travailler dans un climat plutôt favorable, au cours du vol Air France Paris-Dakar du 30 janvier en compagnie des délégations du MPCI, du MPIGO et du MJP. Afin de rendre consensuel le futur gouvernement, il garderait pour lui-même le portefeuille de la Défense, tout en nommant un membre du MPCI ministre délégué. C’est une solution acceptable par tous, dans la mesure où des pouvoirs étendus seraient confiés au ministre délégué. Le cantonnement puis le désarmement seront, de toute façon, supervisés par les forces françaises et de la Cedeao.
Est-ce pour lui faire part de son accord de principe que le « futur ex- » Premier ministre Pascal Affi Nguessan a téléphoné brièvement à Guillaume Soro, alors même que celui-ci était déjà monté dans l’avion ?

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