Pour un ciel africain sans frontières

Publié le 4 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Originaire de Kpalimé, localité togolaise proche du Ghana, Christian Folly-Kossi était prédestiné à franchir les frontières entre les pays, les cultures, les langues… Il passe allègrement de l’anglais au français quand il parle avec ses interlocuteurs d’Airbus, de Boeing, de South African Airways ou d’Air Sénégal International. Il nous a rendu visite pour mieux faire connaître son organisation, l’Afraa, l’Association des compagnies aériennes africaines. Son voyage à Paris s’inscrivait dans le cadre d’une campagne auprès de la presse francophone et anglophone, avec une première table ronde organisée le 28 janvier au Centre d’accueil de la presse étrangère de la Maison de Radio France à Paris, sur le thème de la libéralisation du ciel africain.
Ce Togolais de 50 ans, qui vit à Nairobi et dont le coeur bat à Abidjan, où il a passé de nombreuses années, se sert de son humour et de ses anecdotes pour faire passer les messages les plus sérieux. La faillite d’Air Afrique, où il a travaillé pendant vingt-deux ans (1978-1999), n’est pas due, répond-il avec un large sourire, aux milliers de billets gratuits offerts par les chefs d’État et les ministres à leurs maîtresses, mais à la protection dont la compagnie a trop longtemps bénéficié et au manque de vision de ses dirigeants. Elle a compris trop tard la nécessité de réduire ses coûts et de fidéliser sa clientèle.
Ayant perdu le sens de la décision, Air Afrique ne pouvait que mourir. Sa disparition laisse un vide béant dans le ciel africain, dont profite principalement Air France. Cette mésaventure lui rappelle l’histoire du premier vol d’Air Afrique à destination de l’Afrique du Sud, en 1992, à la fin du régime de l’apartheid. « Quand notre avion a atterri à Johannesburg, nous avons été accueillis par des Sud-Africains blancs. Pas un Noir autour de la passerelle, sauf notre équipage bien sûr. À notre arrivée au salon d’honneur, un Blanc demande où sont les pilotes… Il n’en revenait pas quand on lui a dit qu’ils étaient parmi nous. Pour lui, un Airbus tout neuf piloté par un Noir, c’était simplement impossible… Aujourd’hui, les ex-pilotes d’Air Afrique sont demandés un peu partout, y compris en Afrique du Sud », raconte Folly-Kossi.
L’Afraa a été créée en avril 1968 à Accra par quatorze compagnies. Établie à Nairobi, elle compte aujourd’hui quarante-cinq membres affiliés, sur la cinquantaine de compagnies que compte le continent. Elle attire les « nouveaux nés » du ciel africain, comme Afriqiyah Airways (Libye) ou Khalifa Airways (Algérie), les petits comme Air Ivoire et Air Burkina et les grands tels que SAA, Egyptair, Royal Air Maroc, Ethiopian Airlines… Mais elle est très peu connue de l’opinion publique parce qu’elle a été trop longtemps dirigée par des secrétaires généraux éthiopiens qui l’ont confinée aux questions techniques.
Ce n’est qu’en mars 2000 qu’un francophone est parvenu à se faire élire à sa tête. Christian Folly-Kossi a été choisi parmi quarante-sept candidats. Bardé de diplômes français – Hautes études commerciales, DEA d’économie monétaire à Dauphine, diplôme de sociologie à la Sorbonne, stage en sciences sociales au Collège de France… -, il a fait carrière à Air Afrique, comme contrôleur de gestion, directeur financier, conseiller du PDG et finalement candidat malheureux à la présidence de la compagnie panafricaine (1999). Son mandat actuel à l’Afraa court jusqu’au 15 mars 2005 – et n’est renouvelable qu’une seule fois.
Son ambition est de créer une véritable alliance entre les compagnies africaines qui, outre les questions techniques sur la sécurité, la formation, les droits de trafic, pourront « dans un jour pas trop lointain » organiser des hubs régionaux et des vols partagés, effectuer des achats groupés de kérosène et de pièces détachées, nouer des contrats collectifs d’assurance, de réparation, de financement… Pour enfin traiter d’égal à égal avec les grandes compagnies européennes, asiatiques et américaines. « La mondialisation du ciel est irréversible. Donc, unissons-nous pour participer au mouvement », dit-il avec l’espoir de voir « l’Afrique parler d’une seule voix et peser de tout son poids lors de la prochaine conférence de l’Oaci » (Organisation de l’aviation civile internationale), du 24 au 29 mars, à Montréal, au Canada.

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