Mission : bouclier humain
Un convoi de militants pacifistes venus du monde entier doit arriver le 8 février à Bagdad et s’installer autour des lieux stratégiques.
«Les politiciens américains et britanniques n’aimeraient certainement pas voir des corps d’Occidentaux déchiquetés par leurs propres bombes », déclarait Ken O’Keefe à une journaliste du Financial Times, le 23 janvier dernier. Deux jours après sa déclaration, ce vétéran de la guerre du Golfe, qui s’est fait tatouer une larme au coin de l’oeil gauche « pour mieux exprimer [sa] souffrance », a pris la tête d’un convoi de militants pour la non-violence qui doit se déployer ce week-end à Bagdad. Partis de Londres à leurs propres frais et réunis sous la bannière de l’association « Nous le peuple », ils affirment agir par « solidarité avec le peuple irakien » et paraissent décidés à rester postés, quoi qu’il arrive, aux abords des bâtiments qui pourraient être touchés lors d’une éventuelle guerre, comme les hôpitaux, les écoles ou les centres de traitement des eaux.
« Au départ, nous étions soixante, mais à l’arrivée, nous serons certainement dix mille. » Même si ce chiffre paraît fantaisiste, O’Keefe espère que d’autres volontaires vont rallier sa cause sur le chemin de Bagdad. À bord de deux bus à étage et d’un véhicule orné d’un drapeau blanc, les futurs boucliers humains traversent en ce moment l’Europe et le Proche-Orient, et entendent recruter à chaque étape : Paris, Genève, Zurich, Milan, Belgrade, Sofia, Istanbul, Ankara, Damas et Amman. Mais le passage en France, dont le convoi est reparti sans grand renfort, n’est pas de bon augure.
Pourtant, la motivation des candidats ne faiblit pas. « Si ce n’est pas moi, alors qui ? Si je ne le fais pas maintenant, alors quand ? » s’interroge Alan, analyste-programmeur, qui s’est mis en arrêt prolongé pour accomplir sa « mission ». Comme ses camarades, il a à coeur de s’engager personnellement en faveur de la paix, contre une guerre qu’il ne comprend pas. Quitte à s’interposer physiquement entre l’obus et l’enfant, quitte à risquer sa vie.
Un tiers des participants à l’opération sont des citoyens britanniques. Les autres sont originaires des quatre coins du monde : Australie, Nouvelle-Zélande, États-Unis, Espagne, Belgique, Brésil… Avant de fouler le sol irakien, ces volontaires devront bien sûr obtenir un visa et, surtout, signer une déclaration dans laquelle ils certifient ne pas appartenir à une organisation d’espionnage. Mais les autorités de Bagdad ont fait savoir, le 8 janvier, par la voix de leur vice-Premier ministre Tarek Aziz, qu’elles accueillaient favorablement ce type d’initiative, comme en 1991. Une déclaration aussitôt dénoncée par les États-Unis, qui y voient un recrutement délibéré. Les volontaires vont-ils au-devant d’un sacrifice inutile ? Dans un article publié le 17 janvier dans le quotidien saoudien Al Hayat, Rachida Dargham estime que « les boucliers ne réussiront pas plus qu’un cordon de sécurité à protéger l’Irak et son régime ».
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