L’ombre de la Côte d’Ivoire

Au menu du sommet des chefs d’État de l’Union monétaire, à Dakar, les répercussions de la crise ivoirienne sur l’économie de la sous-région.

Publié le 4 février 2003 Lecture : 4 minutes.

Le 7e sommet des chefs d’État de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), qui s’est tenu à Dakar le 29 janvier, s’annonçait chargé. Il fut aussi hautement politique. Et pour cause : c’est la première fois, depuis la création de l’Union, en 1994, que les représentants de ses huit pays membres (le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo) se réunissaient dans un contexte international aussi perturbé. Un contexte qui avait d’ailleurs entraîné un report de ladite conférence, initialement prévue pour la mi-décembre 2002. Autant dire que l’absence de la délégation ivoirienne et du président Laurent Gbagbo, retenu chez lui par quatre mois de crise politico-militaire, mais dont le pays demeure l’incontournable poids lourd de la sous-région, a pesé sur les débats.
Les chefs d’État présents dans la capitale sénégalaise (dont, outre Abdoulaye Wade, le Malien Amadou Toumani Touré, le Togolais Gnassingbé Eyadéma, le Nigérien Mamadou Tandja, le Béninois Mathieu Kérékou et le Bissauguinéen Kumba Yala) n’ont pas manqué d’exprimer leur « solidarité » envers la Côte d’Ivoire. « Nous poursuivrons nos efforts sans relâche, avec la même ardeur, jusqu’à la résolution totale de la crise », a assuré Abdoulaye Wade.
D’ici là, les difficultés économiques se seront déjà greffées à la crise politique. Des difficultés que l’on préférait taire, dans les couloirs feutrés du Méridien Président, mais qui sont dans tous les esprits. Il ne faut pas, chuchotait-on, effrayer populations et investisseurs. D’autant que « quatre mois de crise ne suffisent pas à dresser un bilan de la situation et que, tout compte fait, la situation est mois grave que prévu ». Mais, pour Charles Konan Banny, gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), « dire qu’il n’y a pas d’impact, c’est nier la place centrale de la Côte d’Ivoire dans l’Uemoa. […] Indubitablement, il y a bien un impact. » Le tout est donc « de savoir dans quelles proportions ». Une évaluation particulièrement sensible sur laquelle reviendront les ministres de l’Économie et des Finances de la sous-région, fin février, à Dakar, lors d’une réunion extraordinaire et sur la base d’une étude conjointe de la BCEAO et de la BOAD, la Banque ouest-africaine de développement.
Mais force est déjà de constater que le taux de croissance de la zone ne dépassera pas 2 % pour l’année 2002, contre 4,1 % initialement escomptés. Et « si la crise perdure pour l’an 2003, note Charles Konan Banny, il sera négatif en Côte d’Ivoire », pays qui totalise 40 % du Produit intérieur brut de la sous-région. Seule bonne nouvelle, martèle-t-on à l’Uemoa, la crise ivoirienne a, pour l’instant, très peu d’effet sur la situation monétaire puisque l’Union dispose de réserves de change importantes qui assurent un taux de couverture de 120 % du franc CFA. Autrement dit, la situation actuelle n’est en rien comparable à celle qui prévalait à la veille de la dévaluation de janvier 1994. L’Uemoa se veut rassurante : un réajustement du franc CFA n’est pas à l’ordre du jour.
Ce qui l’était en revanche, c’est la création d’un Parlement de l’Union, organe représentatif et politique d’une organisation économique. Sa création a été entérinée par les chefs d’État présents, mais est passée quasiment inaperçue, tout comme la décision de reporter à 2005 « l’horizon de convergence » des économies des pays membres, initialement prévu en décembre 2002. Car, lorsque les regards n’étaient pas tournés vers Abidjan, ils l’étaient vers la commission de l’Uemoa. Le Sénégalais Moussa Touré, son président depuis 1995, a – fait inédit dans la courte histoire de l’Union – été reconduit dans ses fonctions, mais pour une année seulement (au lieu de quatre ans habituellement). Un troisième mandat amputé donc et, surtout, une véritable révolution de palais, dont la seconde manche a été reportée au mois de décembre 2003, à Niamey (Niger), où les chefs d’État de l’Uemoa tiendront leur conférence annuelle. Le duel attendu – mais inhabituel – entre les partisans de la candidature sénégalaise et les partisans du Malien Soumaïla Cissé n’a certes pas eu lieu. Mais l’ancien adversaire d’Amadou Toumani Touré à l’élection présidentielle du 12 mai 2002 sera, selon toute vraisemblance, à nouveau candidat. Car ATT a prévenu : « Le Mali n’a pas retiré sa candidature », les chefs d’État ont simplement repoussé l’échéance « compte tenu du contexte ». Ce qu’Abdoulaye Wade, interrogé à l’issue de la conférence, a formulé tout autrement : « C’est parce que la question de la répartition des différentes responsabilités de l’Union entre les États n’a pas été résolue avant notre arrivée » qu’une telle décision a été prise. « On ne sait pas si les postes [et les sièges, NDLR] attribués sont définitifs ou s’ils doivent faire l’objet de renouvellement », a-t-il affirmé, énonçant tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas.
À noter enfin la nomination de Mamadou Tandja, pour le Niger, à la présidence de l’Uemoa. Poste occupé par Abdoulaye Wade depuis décembre 2001, parallèlement à la présidence de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Et, pour la première fois, les deux fonctions pourraient bien être dissociées puisque John Kufuor, président du Ghana, était, lui, pressenti pour prendre la tête de la Cedeao. Désignation qui devait être confirmée lors de la conférence des chefs d’État de l’organisation qui se tenait, elle aussi, à Dakar, le 31 janvier.

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