La mort d’une Fédération

Afrique centrale. Poste avancé des intérêts britanniques dans la région, l’ensemble Rhodésies-Nyassaland vient d’éclater. Une décolonisation de plus…

Publié le 4 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Le 21 janvier 1963 fera date dans l’histoire de la décolonisation en Afrique centrale. Ce jour-là, en effet, M. Butler déclara en substance à Salisbury : « Le gouvernement britannique fera face à ses responsabilités. La Fédération des Rhodésies et du Nyassaland disparaîtra avant la fin de l’année. » Le Premier ministre adjoint chargé des affaires d’Afrique centrale, tirant les conclusions de ses premiers entretiens avec les chefs des divers gouvernements intéressés, ne faisait qu’entériner ainsi une situation issue des élections organisées au cours du mois de décembre dernier dans les deux Rhodésies, d’une part, et du droit concédé au gouvernement du Nyassaland de se séparer de la Fédération, d’autre part. La Fédération fut fondée au mois d’octobre 1953 pour être le bastion de la présence britannique au coeur de l’Afrique. Elle devait constituer, ainsi, un rempart contre la montée du nationalisme africain, vers le Sud et l’Est, et contre l’influence pernicieuse de la république sud-africaine du Dr. Verwoerd. Elle devait aussi sauvegarder les intérêts britanniques et les faire prospérer en donnant naissance à un nouvel ensemble économique dans lequel les bénéfices réalisés sur le cuivre nord-rhodésien viendraient au secours de l’agriculture sud-rhodésienne, le Nyassaland, réduit à une économie de subsistance, fournissant la main-d’oeuvre bon marché. Selon ses premiers promoteurs, sir Andrew Cohen ou lord Malvern, elle était appelée à promouvoir une politique multiraciale où les Africains seraient admis à gouverner et à administrer progressivement leur propre pays. Mais derrière cette façade de bonnes intentions, fondée théoriquement du moins sur des principes d’association et de coopération avec la communauté africaine, les Blancs de la Fédération et leurs dirigeants n’ont jamais cessé pendant neuf ans d’appliquer une politique de ségrégation sociale plus féroce parfois qu’en Afrique du Sud : les colons, dont quelque 70 000 Afrikaners cherchant à conserver, en même temps que les meilleures terres, des avantages sociaux exorbitants (impôt peu élevé, etc.) en essayant de bloquer l’entrée des députés africains au Parlement fédéral. Les Africains d’ailleurs ne s’y sont jamais trompés qui ont réclamé dès sa naissance la dissolution de cette fédération de mascarade où jamais « si peu de gens n’ont été gouvernés par tant de gens ». Neuf années de lutte et de privations, d’emprisonnement, d’exil, de progrès constitutionnels et d’action clandestine ont abouti à cette déclaration de Butler qui, dans son laconisme, équivaut aujourd’hui à une victoire pour tous les nationalistes africains. Victoire certes, mais aussi un permis d’inhumer : celui de sir Roy Welensky. L’actuel Premier ministre fédéral ne règne plus que sur quelques députés de son parti, l’United Federal Party, réélu le mois d’avril dernier, au cours d’élections fantômes. L’ancien conducteur de locomotives n’est plus, comme l’a constaté M. Macmillan, qu’un monarque sans couronne. Au Nyassaland, le Dr Banda, élu par 99 % de la population, deviendra officiellement Premier ministre dans quelques jours – M. Butler l’a annoncé aussi – et mènera son pays, rebaptisé le Malawi, vers l’indépendance avant la fin de l’année. En Rhodésie du Nord, les élections de décembre dernier ont porté au pouvoir M. Kenneth Kaunda, président de l’United National Independance Party, et M. Harry Nkumbula, président de l’African National Congress. Le doute n’est pas permis : à la tête du premier gouvernement rhodésien à majorité africaine, ils réclameront à leur tour l’indépendance de leur territoire. Comment la leur refusera-t-on si on l’accorde à leurs voisins nyassas ? En Rhodésie du Sud, enfin, les électeurs, européens pour la plupart, se sont choisi un gouvernement extrémiste, présidé par un planteur de tabac, Winston Field, plus blanc que les Blancs d’Afrique du Sud. La Fédération multiraciale de sir Roy Welensky et de l’United Federal Party étant bel et bien morte, il s’agit pour M. Butler de préparer à Salisbury l’avenir des territoires qui la composaient.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires