« French, go home ! »

Publié le 4 février 2003 Lecture : 2 minutes.

C’est une double première, et l’on peut a priori en sourire. Abidjan est sans doute la seule ville au monde où des milliers de manifestants se soient retrouvés devant l’ambassade américaine pour en acclamer les occupants et ovationner la bannière étoilée. Et la Côte d’Ivoire, le seul pays africain où les rassemblements antifrançais se soient traduits par une telle démonstration d’allégeance à l’égard d’une autre puissance occidentale. Sourire, car ce que réclament les « patriotes » de Charles Blé Goudé et Richard Dacoury – ni plus, ni moins qu’une intervention militaire américaine contre les paras français de la base de Port-Bouët ! – relève évidemment du fantasme alimenté par les films de Rambo.
Mais comme ce qui se passe à Abidjan n’a rien de spontané, force est de reconnaître qu’un ersatz de stratégie présidentielle se cache derrière cet étrange paradoxe. Ces manifestations proaméricaines ne sont en effet que le prolongement spectaculaire d’une campagne de séduction menée par le gouvernement de Laurent Gbagbo en direction des États-Unis.
À deux reprises, les 24 et 27 janvier, alors que s’achevaient les négociations de Marcoussis et de Paris, la présidence ivoirienne a sponsorisé des suppléments publirédactionnels dans le Washington Post. Au menu de ces « Côte d’Ivoire Briefings » : une interview en deux parties de Laurent Gbagbo, dans laquelle il compare notamment le 19 septembre 2002 ivoirien au 11 septembre 2001 américain, ainsi qu’un appel solennel au gouvernement des États-Unis afin qu’il soutienne « de façon ferme et sans équivoque les gouvernements élus d’Afrique de l’Ouest » et qu’il s’oppose « à tous ceux, sans exception, qui veulent les renverser ». Le tableau décrit est celui d’une Côte d’Ivoire agressée par une armée de terroristes et de mercenaires, instrumentalisés par des voisins mal intentionnés. Le Liberia de Charles Taylor par exemple, catalogué à Washington comme une « voyoucratie » ? Sans doute. Le Burkina de Blaise Compaoré, lequel n’a jamais été aussi populaire chez lui que depuis le début de cette crise ? Peut-être. Les musulmans en général, puisqu’un journal ultranationaliste de la place n’a pas hésité à qualifier les rebelles du MPCI de « talibans ivoiriens » ? Pourquoi pas. Ce n’est pas dit, bien sûr, mais suivez mon regard… Pour l’instant, il n’y a pas plus populaire qu’un diplomate (ou un journaliste) américain à Abidjan. À condition bien sûr de ne pas être confondu avec un Français…

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