Droit du plus fort ou force du droit ?

Publié le 4 février 2003 Lecture : 3 minutes.

Le monde entier redoute les attentats terroristes. On a peur de prendre l’avion, peur de certains pays et de certaines religions. On a peur des cargos, des produits importés, des lettres et des paquets. Bref, on a peur de tout. À cause de cette peur, personne n’investit plus et l’économie mondiale régresse. Le succès des attentats du 11 septembre 2001 tient moins aux dégâts qu’ils ont provoqués qu’à notre mauvaise appréciation de la situation qu’ils ont créée.
Israël devrait maintenant avoir compris que le continuel renforcement des mesures de défense et de sécurité, que la volonté proclamée de terroriser les terroristes, ne mettront pas fin aux attentats suicide. Le monde étant loin de posséder les moyens d’Israël pour assurer sa sécurité, il est évident que le combat mondial contre le terrorisme ne peut se résumer au renforcement des mesures de défense et de sécurité.
Nous avons du mal à l’admettre, mais les terroristes ne font pas n’importe quoi. Libre à nous de penser que les arguments qu’ils avancent ne justifient pas leurs actes, mais ce genre de réflexion ne nous mènera à rien. Il nous faut nous interroger sur ce qui les motive et tenter d’y porter remède. C’est le seul moyen sinon de faire cesser, au moins de réduire le nombre des attentats. Bien entendu, ces causes sont nombreuses et nous ne pourrons trouver une solution à toutes. Reste que la principale n’est pas religieuse, mais territoriale.
Les Palestiniens ont été dépouillés d’une grande partie de leur terre. Chaque fois qu’ils essaient de la récupérer, ils en perdent un peu plus. Le monde a toujours ignoré leur lutte. Même l’assassinat de non-combattants, enfants compris, n’a pas fait se lever un sourcil. Dans l’impossibilité de mener une guerre conventionnelle, certains Palestiniens ont commis des actes de terrorisme. Il va de soi que les États musulmans amis n’ont pas les moyens de les aider, mais les populations ne se sentent nullement liées par la politique de leurs gouvernements. Aussi voit-on des musulmans originaires d’autres pays participer à ces actes de terrorisme.
Parmi le milliard de musulmans que compte la planète, il doit bien s’en trouver plusieurs milliers prêts à donner leur vie pour ce qu’ils croient être un combat pour la justice. Il est vain d’espérer venir à bout du terrorisme mondial, si l’on ne prend pas conscience de cette réalité. Hélas ! non seulement le monde ne parvient pas à supprimer les causes du terrorisme, mais il en crée de nouvelles. Il fut un temps où les pays musulmans étaient d’accord sur la nécessité de combattre la politique agressive de l’Irak. Cette unanimité n’existe plus. Aujourd’hui, les musulmans considèrent le traitement infligé à ce pays comme une discrimination, une de plus, à leur égard. Une éventuelle attaque contre l’Irak donnera un coup d’arrêt à la lutte contre le terrorisme et, plus grave, risque de susciter de nouvelles vocations. L’Irak, l’Iran et la Corée du Nord ont été dénoncés comme les composantes de l’« axe du Mal ». Ce dernier pays a reconnu disposer de capacités nucléaires, mais, contrairement à l’Irak, n’a pas été menacé d’une guerre. Nous ne souhaitons évidemment pas qu’il le soit, mais force est de reconnaître que l’indulgence manifestée à son égard ne peut que braquer davantage les musulmans.
Il n’a jamais été facile de traiter avec la Corée du Nord, mais ce pays existe et il nous faut apprendre à négocier avec lui. Quelques bombes nucléaires suffiraient sans doute à le rayer de la carte, mais ce serait un aveu d’échec. Irak, Palestine, Corée du Nord… La multiplication des « points chauds » montre bien notre incapacité à gérer le monde. Nous continuons d’évaluer notre force en termes de capacité à tuer. Nous avons la fâcheuse tendance à considérer que le droit c’est la force, que les puissants doivent dominer et les faibles se soumettre. Franchement, avons-nous tellement progressé depuis l’âge de pierre ? Ils se servaient de massues, nous avons l’arme nucléaire.
Il est temps de marquer une pause et de réfléchir. Le terrorisme s’est mondialisé autant que le commerce et les investissements. Opprimer ou diaboliser les peuples ne résoudra rien, il nous faut réinventer notre civilisation. Notre monde désormais globalisé doit trouver une manière nouvelle de traiter les questions apparues avec le changement. Il nous faut accepter le fait que rien ne se produit dans une partie du monde sans que le reste du monde en soit affecté.

* Premier ministre de la Malaisie.

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