Dialogue de sourds

Accusés par Abidjan de soutenir les mouvements armés, le Burkina et le Liberia continuent de nier toute implication dans la crise.

Publié le 4 février 2003 Lecture : 3 minutes.

e 19 septembre 2002, sitôt la tentative de coup d’État avérée, le pouvoir en place à Abidjan a pointé un doigt accusateur vers le Burkina. Plus de quatre mois plus tard, les soupçons ne se sont pas encore dissipés. Malgré l’accolade entre les présidents Gbagbo et Compaoré, le 29 septembre à Accra, en marge du sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Malgré une nouvelle rencontre en tête à tête entre les deux hommes, le 3 décembre, à Bamako, à l’initiative du numéro un malien Amadou Toumani Touré. Sans oublier le huis clos d’un deuxième sommet extraordinaire de la Cedeao à Dakar, le 18 décembre 2002. Rien n’y a fait. Au fur et à mesure que la crise persistait, le gouvernement ivoirien multipliait ses accusations incitant le Burkina à produire, en novembre, un Mémorandum sur les violations flagrantes des droits des ressortissants burkinabè en République de Côte d’Ivoire de 1999 à 2002.
Pendant le conclave sur le conflit ivoirien organisé à Paris les 25 et 26 janvier, Blaise Compaoré et Laurent Gbagbo se sont soigneusement évités. « Tout au plus se sont-ils salués avant l’ouverture de la conférence, dans la salle où étaient réunis les chefs d’État et de délégation », raconte un témoin. En séance, le numéro un burkinabè a encore réaffirmé ses positions, désormais connues : il a protesté contre les violations des droits de l’homme dont ses compatriotes sont victimes en Côte d’Ivoire, mais a nié être à l’origine d’une quelconque tentative de déstabilisation de ce pays. Compaoré a même révélé avoir écrit plusieurs fois au président Gbagbo pour lui proposer la mise sur pied de patrouilles militaires communes dans le but de surveiller les frontières entre les deux pays. « Les correspondances sont là pour attester ce que je dis et, jusqu’à ce jour, je n’ai reçu aucune réponse de la part du gouvernement ivoirien », a-t-il déclaré.
Le président du Liberia Charles Taylor, également accusé de jouer les boutefeux chez le voisin ivoirien, y est allé, lui aussi, de son plaidoyer. Comme son homologue burkinabè, Taylor se défend d’avoir tenté de déstabiliser la Côte d’Ivoire. Abidjan n’en continue pas moins de le voir derrière les différentes rébellions – celle du Mouvement pour la justice et la paix (MJP) et celle du Mouvement populaire ivoirien du Grand-Ouest (MPIGO) – apparues dans l’ouest du pays, à la fin novembre. Taylor se sentait si peu concerné par ce problème qu’il devait, dans un premier temps, annoncer qu’il ne ferait pas le déplacement de Paris. Il a fallu l’intervention insistante des autorités françaises pour qu’il se décide à s’y rendre. Devant ses pairs, le chef de l’État libérien, qui a regretté au passage l’instabilité qui règne en Afrique de l’Ouest, a indiqué que la Cedeao devrait se pencher « sur la situation des jeunes qui sévissent dans la sous-région et leur trouver du travail ». En attendant, Abidjan persiste : c’est Taylor qui manipule ces jeunes gens dont le nombre est estimé à près de 30 000 selon des statistiques onusiennes. Et c’est le MPIGO qui a recruté ces anciens Small Boys, membres du Front révolutionnaire uni (RUF), le mouvement de l’ancien chef rebelle Foday Sankoh qui a fait régner la terreur en Sierra Leone et aidé Taylor à imposer sa loi au Liberia. Ces enfants-soldats, pour la plupart drogués, seraient sous les ordres d’un certain Sam Bokarie, alias Mosquito, ex-coiffeur pour dames à Monrovia, ex-disc-jockey et ci-devant chef militaire du RUF, connu pour son « art » de couper les mains en « manches courtes ».
Les rebelles, de leur côté, accusent l’armée loyaliste ivoirienne d’avoir fait appel à des combattants au sein du Liberians United for Reconciliation and Democracy (Lurd), le mouvement armé qui lutte contre le président Taylor depuis juillet 2000. L’armée ivoirienne ne serait d’ailleurs pas en première ligne, se contentant plutôt de fournir armes et argent à ces supplétifs. Et c’est un jeune sergent de l’armée régulière ivoirienne, Jean-Marie Toualy, qui dirige l’offensive à la tête d’une nouvelle force qui vient de voir le jour : le Front de libération du Grand-Ouest (FLGO). De violents combats ont opposé le FLGO aux troupes rebelles à Toulepleu, le 23 janvier.

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