3 questions à Kamran Kousari

Coordinateur spécial pour l’Afrique à la Cnuced

Publié le 2 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

Jeune Afrique : Pourquoi vouloir modifier « l’architecture » de l’aide au moment où les pays donateurs se sont engagés à la doubler. Ne risque-t-on pas de briser un élan ?
Kamran Kousari : Si on veut doubler l’aide publique au développement (APD) et être efficaces, il faut repenser la façon dont elle est octroyée. Depuis 1960, l’Afrique a reçu 580 milliards de dollars, mais les résultats sont décevants. Les intérêts géostratégiques durant la guerre froide, les programmes d’ajustements structurels préconisés par les institutions internationales et l’aide bilatérale répondant avant tout aux préférences des donateurs sont autant de facteurs qui expliquent cet échec. Pourtant, l’aide peut véritablement créer les conditions du développement. Le plan Marshall dans l’Europe de l’après-guerre le prouve.
Mais en quoi un fonds onusien pourrait-il remédier aux carences des politiques d’aide en Afrique ?
Durant les années 1950, il avait été question de créer un fonds international au sein de l’ONU. Cela n’a pas été suivi d’effet. Or, aujourd’hui, l’aide bilatérale représente 70 % du volume total de l’APD. Une agence onusienne serait en revanche plus indépendante qu’un opérateur bilatéral soumis à des considérations politiques. Cela permettrait d’échapper aux programmes d’ajustement structurel et aux règles de conditionnalité préconisés par la Banque mondiale et le FMI, et qui ont montré leurs limites. Il faut faire face à ce bilan et voir comment on peut changer les choses. Le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) pourrait remplir ce rôle et gérer une partie des dons transférés par les donateurs multilatéraux et bilatéraux.
Ces opérateurs traditionnels peuvent-ils accepter cette proposition ? Quant à l’échec de l’aide, on peut aussi l’imputer aux déficiences des bénéficiaires, comme la corruption
Si on veut vraiment réduire la pauvreté et faire démarrer les économies africaines en doublant l’aide, la communauté internationale doit réfléchir en conséquence. Concernant la corruption, on ne peut punir tout un peuple sous le prétexte que les dirigeants sont véreux. Dans le passé, certains pays ont profité d’une aide massive dans un contexte de forte corruption, comme la Corée de Sud et Taiwan, où l’aide était de 190 dollars par habitant et par an. En Afrique, même si on double les volumes, on arrivera à peine à 60 dollars.

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