L’opium virtuel du peuple

Cinq millions de jeunes Chinois pathologiquement accros à la Toile.

Publié le 2 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

Les yeux rougis, le regard halluciné, le visage livide et la posture chancelante : tels sont les symptômes du nouveau fléau qui s’est abattu sur la Chine. Internet, car c’est de lui qu’il s’agit, est devenu, en quelques années, une des bêtes noires des autorités, qui estiment que sur les 123 millions d’internautes que compte actuellement l’empire du Milieu, 5 millions sont dépendants pathologiquement du Net. La tendance étant particulièrement marquée chez les moins de 25 ans. Et s’il n’existe pas à ce jour d’étude clinique fiable démontrant la dépendance à la Toile et notamment aux jeux en ligne, le constat demeure : ces jeunes souffrent d’angoisses, de crises de panique et de problèmes de sommeil récurrents. Certains de ces « drogués » électroniques, tout juste âgés d’une dizaine d’années, font l’école buissonnière et fuient leurs amis pour s’adonner à leur passe-temps favori : des jeux de guerre en ligne particulièrement violents. Cette dépendance de plus en plus inquiétante peut aussi mener au suicide ou au meurtre. Ainsi, au mois de juillet, une fillette âgée de 11 ans a été assassinée au coin d’une rue par un adolescent de 16 ans qui lui a volé l’équivalent de 5 euros pour aller jouer dans un cybercafé. Selon le rapport de l’Association chinoise des jeunes pour le développement d’Internet, qui dépend directement du ministère de l’Information, plus de 70 % des actes de délinquance juvénile dans le pays seraient liés à une pratique excessive d’Internet et, en particulier, des jeux en ligne.
Devant ce constat affligeant, les autorités ont décidé d’agir. Première mesure : limiter l’accès des mineurs aux cybercafés avec, comme dernière action en date, un contrôle d’identité rendu obligatoire et une limitation à cinq heures de jeu consécutives par jour pour les moins de 18 ans. Mais rien n’y fait, les jeunes Chinois persistent et signent, falsifient leurs papiers et enchaînent les séances de jeu dans plusieurs cybercafés. Autre mesure : le lancement d’une campagne nationale contre les méfaits de l’Internet, avec séries télévisées éducatives en renfort. Mais la dépendance aux jeux en ligne progresse de plus belle et les jeunes ont plus que jamais besoin de leur « shoot » quotidien sur le Net.
Désarmées, les autorités ont voulu traiter le problème à la racine en créant, l’an dernier, un programme spécial de désintoxication des jeunes dans un hôpital de Pékin. La cure, dirigée par le médecin militaire Tao Ran, prévoit un entraînement intensif, des techniques psychiatriques, ainsi qu’une électrothérapie. Selon Tao Ran, autrefois spécialiste des soldats dépendants à la morphine après des interventions traumatisantes, 95 % des jeunes pris en charge ont des chances de décrocher. Depuis son ouverture, le service ne désemplit pas. Les patients viennent des quatre coins du pays accompagnés de leurs parents pour bénéficier de ses soins, facturés 30 euros par jour pendant un à trois mois. Le docteur Tao Ran s’enorgueillit d’avoir sorti de « l’enfer du Net » plus d’un millier de jeunes âgés de 13 à 24 ans, en une année. Mais certains se montrent particulièrement rétifs, comme ce patient de 13 ans qui a quitté l’hôpital au terme de sa cure en affirmant : « Rien ni personne ne pourra m’empêcher de jouer à mon jeu de guerre favori, Operation Flashpoint. Si c’est le cas, je cogne. »

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires