Il était une fois la pellicule

Publié le 2 octobre 2006 Lecture : 2 minutes.

Comme, hélas pour lui, le personnel de Kodak ou de Leica a pu s’en apercevoir en voyant vaciller ses emplois, le secteur de la photo a été bouleversé par l’irruption du numérique, qui a condamné au déclin irréversible ceux qui en sont restés au bon vieux temps de l’argentique, donc de la pellicule. Le même phénomène risque-t-il de toucher le cinéma ? Déjà, même si le public ne s’en aperçoit pas toujours, beaucoup de longs-métrages sont tournés avec des caméras digitales. Et toutes les techniques de postproduction utilisées pour finaliser les uvres – effets spéciaux, son, etc. – font souvent appel au numérique. Ce qui modifie le cinéma aussi bien d’un point de vue artistique et esthétique – le style de nombreux films récents est lié à l’utilisation des petites caméras légères – qu’au niveau « industriel » – toute l’économie du secteur, d’une façon ou d’une autre, sera petit à petit atteinte, jusqu’à la distribution et l’exploitation sur les écrans. La question n’est donc pas secondaire.

Cependant, va-t-il s’agir d’une évolution lente ou d’une révolution qui risque, comme pour la photographie, de (presque) tout emporter sur son passage ? Il est certain que la rapidité du changement dépendra en grande partie des impératifs techniques et économiques. On ne réussira en particulier à faire baisser sérieusement le prix de revient moyen des films, ce que tout le monde souhaite, que quand la chaîne des « opérateurs » se sera convertie au numérique. Tant qu’il faut « retranscrire » les films tournés en numérique sur de la pellicule pour qu’ils puissent être projetés en 35 mm sur les écrans, on perd de ce côté ce qu’on avait gagné de l’autre au moment du tournage.
C’est notamment en observant comment la situation change au niveau des salles qu’on pourra peut-être prédire le rythme du passage au numérique. Or les quelques chiffres que vient de dévoiler un rapport commandé par le Centre national du cinéma en France permettent de relativiser l’ampleur du phénomène. Sur les quelque 165 000 salles existantes dans le monde, 1 500 seulement sont déjà équipées d’un projecteur numérique, soit moins de 1 %.

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Aux États-Unis mêmes, le parc de 36 000 salles ne sera entièrement équipé, selon toute probabilité, que vers 2020. Car, pour l’instant, malgré certains avantages évidents (plus de pellicules rayées, une meilleure réactivité dans la programmation avec la transmission des uvres par Internet, etc.), rien ne rend encore obligatoire pour les exploitants de réaliser les lourds investissements que suppose la conversion au numérique, que seules les économies réalisées grâce à la disparition du tirage des copies rendront progressivement inévitable. La « révolution », semble-t-il, sera donc plus rampante que brutale. Elle pourrait cependant renforcer la fracture entre le cinéma commercial et le cinéma d’auteur, et entre le nord et le sud de la planète. Au moins pendant un temps, les longs-métrages disponibles sur fichiers numériques seront en majorité des films grand public américains. Par ailleurs, il est évident que l’équipement des salles se fera plus vite dans les pays riches qu’ailleurs.

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