Enseignements d’après-matchs
La Coupe du monde de football a-t-elle dopé l’activité économique, comme le prophétisaient avant la compétition bon nombre d’analystes ?
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« Welcome to Germany 2006 ! » C’est par cette formule, un brin impatiente, que Joschka Fischer avait débuté son préambule de « La Coupe du monde et l’économie », une étude publiée par la banque américaine Goldman Sachs en mai. Ministre allemand des Affaires étrangères de l’époque, il attendait beaucoup de cet événement sportif, qui, tous les quatre ans, tient la planète en haleine un mois durant. Il citait volontiers la prophétie de tel analyste estimant que « 80 % de la population mondiale regarderaient les matchs », ou de tel autre distinguant dans sa boule de cristal un « bond de la productivité ».
Fischer n’est pas le seul à avoir cédé à l’enthousiasme, voire à l’euphorie. Comme les services de conjoncture des grandes banques, la plupart des responsables politiques y étaient allés de leur petit pronostic, le plus souvent optimiste, sur les retombées économiques du Mondial. Plus de deux mois après la finale du 9 juillet, c’est l’heure du bilan.
Premier constat : les indicateurs économiques sont au vert. Le déficit public est revu à la baisse, de 3,3 % à 3 %, et le taux de croissance à la hausse, de 1,5 % à 2 %. Angela Merkel, la chancelière, parle de « tournant » et se réjouit que son pays ne soit plus, enfin, « l’homme malade de l’Europe ».
Faut-il y voir un « effet Mondial » ? « Incontestablement, l’économie allemande se porte mieux, affirme Éric Dubois, chef du département de la conjoncture à l’Institut national français des statistiques et des études économiques (Insee). Mais c’est une tendance de fond durable, à laquelle la Coupe du monde n’a fait qu’apporter un peu de souffle. » En d’autres mots : Mondial ou pas, le temps aurait de toute façon été à l’embellie. « L’activité a certes progressé sous l’effet de la Coupe du monde, mais ce n’est pas significatif », renchérit Dominique Fuchter, expert à la Coface, société française d’assurance-crédit sur les marchés à l’exportation.
D’ordinaire, l’ambiance festive de ce mois « tout football » est propice à la consommation. Mais, à voir les chiffres, les Allemands, pourtant aux premières loges, « n’ont pas consommé plus que d’habitude », assure Éric Dubois. La raison : leur pouvoir d’achat est « flat », comme on dit dans le jargon économique. Comprendre : « il stagne ». Pour Dominique Fuchter, l’explication est également sociologique : « Les Allemands préfèrent placer leur argent dans leur maison. » Toutefois, certains secteurs ont connu un regain d’activité, le bâtiment et les travaux publics en particulier : 1,5 milliard d’euros ont été dépensés pour la construction et la rénovation des stades ; 4,5 milliards pour le réseau routier ; 700 millions pour la nouvelle gare centrale de Berlin. Mais de tels investissements ne se sont pas faits du jour au lendemain, mais ont été étalés dans le temps, et leurs effets aussi. Difficile, donc, d’identifier ceux-ci.
L’Allemagne, absente du palmarès des destinations courues, peut en tout cas s’enorgueillir d’avoir attiré deux millions de visiteurs, deux fois plus que prévu. Incontestablement, ces consommateurs supplémentaires – ils auraient dépensé 600 millions d’euros – ont fait le bonheur des hôteliers et des restaurateurs. Accor se montre satisfait : au premier trimestre 2006, le chiffre d’affaires du groupe hôtelier en Allemagne, pour la catégorie « haut et milieu de gamme », a augmenté de 10,4 % par rapport à l’année précédente. Preuve que le ballon rond y est pour quelque chose : en corrigeant « l’effet Mondial », l’augmentation s’élève encore à 7,3 %. En revanche, la plupart des 60 000 emplois créés dans l’hôtellerie n’ont duré que le temps de la Coupe du monde.
Alors, décevant, le Mondial ? « Il y a toujours un petit mythe Coupe du monde », assure Éric Dubois. Mais une chose est sûre : le pays a retiré de l’événement un grand bénéfice, certes difficile à mesurer, en termes d’image. État séculaire du Vieux Continent, quelque peu « ringardisée » depuis la réunification, l’Allemagne a réussi à se donner un coup de jeune. Et, si d’aucuns en doutaient, à offrir au monde l’image d’une nation définitivement unie et reconstruite capable d’accueillir sans encombre un événement de dimension planétaire. À charge pour l’Afrique du Sud, autre nation « réconciliée », de faire aussi bien en 2010
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