Ce que préconise la Cnuced

Pour l’institution onusienne, s’il faut accroître les volumes de l’APD, il convient également d’en revoir « l’architecture ».

Publié le 2 octobre 2006 Lecture : 3 minutes.

L’aide publique au développement (APD) destinée à l’Afrique devrait doubler d’ici à 2010 et ainsi dépasser 50 milliards de dollars par an. Encore faut-il que le continent puisse réellement profiter de cette manne pour réduire la pauvreté et créer les conditions de son décollage économique. À cet effet, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) préconise la création d’un fonds placé sous l’égide de l’ONU. Ce « guichet de l’aide » serait chargé de gérer et de déployer des flux financiers « dépolitisés, plus prévisibles, et davantage axés sur les besoins économiques des pays africains ». Une recette née d’un constat d’échec. Dans son rapport sur le développement de l’Afrique 2006, publié le 21 septembre, la Cnuced ne mâche pas ses mots : « Il ressort de tout bilan objectif des programmes de stabilisation, de libéralisation et de privatisation menés depuis vingt-cinq ans que la majeure partie du continent n’est pas parvenue à la trajectoire de croissance escomptée. [] Cela montre clairement que les institutions de Washington n’ont pas le monopole de la compétence technique. » En conséquence de quoi, s’il faut accroître les volumes, il convient également de revoir « l’architecture » de l’aide.
Contrairement aux apparences et aux statistiques parfois trompeuses, l’aide au continent n’a pas été exceptionnellement généreuse. La part de l’Afrique subsaharienne a augmenté régulièrement, passant de 16 % en 1974 à 28 % en 1992, mais dans les années 1990, on a enregistré un net fléchissement, qui commence seulement à être partiellement comblé sous le coup des annulations de dette. Au total, entre 1960 et 2004, l’Asie a reçu environ 40 milliards de dollars de plus que l’Afrique. Par habitant, l’Afrique reçoit le plus, mais les volumes de population en Asie provoquent une distorsion des chiffres. Par ailleurs, la moyenne dissimule d’importantes variations d’un pays à l’autre. Entre 1995 et 2004, les dix plus gros bénéficiaires – Mozambique, Tanzanie, RD Congo, Éthiopie, Ouganda, Zambie, Ghana, Sénégal, Madagascar et Côte d’Ivoire – ont reçu 38,9 % du total, contre 1,9 % pour les dix plus petits bénéficiaires.
Pour la Cnuced, cette situation s’explique en partie par la prééminence de l’aide bilatérale (70 % des budgets) qui obéit d’abord à des considérations politiques, aux préférences des donateurs et à des relations privilégiées entre États, comme l’explique à J.A. l’Iranien Kamran Kousari, auteur du rapport et coordinateur spécial pour l’Afrique.
Autre déséquilibre dénoncé par l’institution : les secteurs sociaux (santé, éducation, eau) sont privilégiés au détriment des objectifs de développement et de croissance. Entre 1992 et 2004, ils ont absorbé 62 % de l’aide, contre seulement 7 % pour les infrastructures et 13 % pour les secteurs productifs, notamment l’agriculture. Par ailleurs, une grosse partie des financements extérieurs soutiennent des projets, alors qu’il faudrait, selon la Cnuced, développer les aides budgétaires pluriannuelles afin de renforcer les capacités de l’État. À celui-ci de définir sa stratégie de développement et de s’approprier les politiques menées, échappant ainsi à la tutelle étrangère des bailleurs. Située à Genève et donc éloignée des centres de décision de Washington, l’institution espère malgré tout profiter d’un contexte jugé favorable pour avancer ses pions. Sans sous-estimer les résistances des donateurs traditionnels, jaloux de leurs prérogatives, Kamran Kousari est persuadé que ses propositions tombent à pic.
En 2000, la Cnuced avait préconisé un doublement de l’aide pour l’Afrique, suscitant alors un scepticisme général. Cinq ans plus tard, l’idée était avalisée par les chefs d’État des grandes puissances réunis à Gleneagles (Écosse). En outre, la plupart des pays riches ont fixé un calendrier pour consacrer 0,7 % de leur revenu national à l’aide. En 2004, la Cnuced plaidait pour l’annulation de la dette. « Impossible », s’étaient alors écriés les milieux financiers. Cette année, la Banque mondiale et le FMI ont accepté d’effacer la dette multilatérale d’une trentaine de pays, dont quinze africains, à hauteur de 50 milliards de dollars. La Cnuced a décidément souvent vu juste avant tout le monde

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires