Bonne et mauvaise nouvelles

Publié le 2 octobre 2006 Lecture : 5 minutes.

Deux informations reçues en septembre vont avoir des prolongements importants en ce mois d’octobre qui commence – et bien au-delà.
La première est africaine et, je n’y puis rien, elle est malheureusement mauvaise ; l’autre est mondiale et, vous le verrez, elle est bonne pour tout le monde.

Je commence par l’africaine : elle concerne cette Côte d’Ivoire dont la crise aurait dû s’achever ce mois-ci, après sept années de hauts et de bas. Hélas, elle joue les prolongations : le pays et la région risquent d’en être à nouveau secoués.
Nous avons décrit dans notre dernier numéro les conciliabules de New York, au siège des Nations unies, à propos de la Côte d’Ivoire ; cette semaine, pages 62-63, nous nous efforçons de vous dire ce que Thabo Mbeki, président de l’Afrique du Sud, Laurent Gbagbo, chef de l’État ivoirien, sont allés faire mardi dernier chez le président Blaise Compaoré, à Ouagadougou ; le 7 octobre, avec les autres protagonistes de la crise, ils se rendront à Abuja, capitale du Nigeria, pour de nouvelles discussions, dont eux-mêmes n’attendent rien de positif, et encore moins de décisif : on se parle pour ne pas rompre, mais on sait que la discussion n’aboutira pas

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Vous l’avez appris : les opposants à Laurent Gbagbo ont récusé le président Mbeki dont la médiation aura occupé l’année 2006, sans résultat probant : ils l’accusent de partialité ; un jour ou l’autre, nous entendrons que Laurent Gbagbo récuse, à son tour, Denis Sassou Nguesso, le président en exercice de l’Union africaine, érigé lui aussi en médiateur, ou bien le président en exercice de la Cedeao, Mamadou Tandja.
Quoi qu’il en soit, le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, qui s’est beaucoup investi dans la recherche d’une solution à la crise ivoirienne, aura quitté ses fonctions dans quelques semaines, et, quelques mois plus tard, ce sera au tour du président de la Commission de l’Union africaine, Alpha Oumar Konaré, de tirer sa révérence.
La crise, elle, sera toujours là, comme ossifiée.

L’espoir d’une solution par les urnes, auquel, avec la plupart des observateurs, nous avons nous-mêmes succombé tant il paraissait fondé, s’est révélé être du wishful thinking : tous autant que nous sommes avons pris nos désirs pour des réalités.
Ce qui nous a induits en erreur, c’est que les parties concernées ont elles-mêmes été séduites par la perspective d’une sortie de crise par « des élections honnêtes et transparentes ». L’embellie a duré quelques mois, mais, au fur et à mesure que l’échéance approchait, les risques de perdre ont paru trop élevés à l’un ou à l’autre et ils se sont refusés aux concessions qui auraient permis de s’entendre sur la composition du corps électoral.

En ce début d’octobre, nous assistons aux premières escarmouches de la prochaine bataille : elle sera féroce, car elle a pour enjeu – capital – le pouvoir de chef de l’État, détenu jusqu’ici, pour l’essentiel, par Laurent Gbagbo.
À la fin de ce mois, ce pouvoir perdra la base juridique que lui a donnée – pour un an – la communauté internationale. Mais qui empêchera son actuel détenteur de continuer à l’exercer de fait en se prévalant de la Constitution ? Comment mettra-t-on en pratique l’idée avancée par les opposants et d’autres parties intéressées de transférer tout ou partie de ce pouvoir à Charles Konan Banny, Premier ministre depuis neuf mois et dont, au demeurant, on ne sait pas très bien de qui il tient son pouvoir ?
Attendez-vous donc à une foire d’empoigne, à des semaines, que dis-je, à des mois, de criailleries qui ne rapprocheront pas le pays du retour espéré à un semblant de normalité.
Les élections-sortie de crise, qu’on a cru possible d’organiser avant le 30 octobre 2006, n’auront certainement pas lieu en 2006, ni au début de 2007 ! Elles n’ont plus d’échéance car renvoyées aux célèbres « calendes grecques » dont le dictionnaire dit « un temps qui ne viendra jamais, les Grecs n’ayant pas de calendes ».

Le mois de septembre nous a non pas apporté, mais confirmé une autre nouvelle importante, dont je vous ai dit plus haut qu’elle était bonne. Ses effets bénéfiques profitent déjà à tous.
Il s’agit du prix du baril de pétrole, qui se répercute sur celui du litre d’essence ou de gazole que nous achetons à la pompe.
Lorsque, en juin dernier (J.A. n° 2375 du 16 au 22 juillet), me fondant sur l’avis de trois experts perspicaces – mais minoritaires -, j’ai pris le risque, sur une simple intuition, de pronostiquer qu’il allait probablement baisser, peu d’entre vous m’ont cru.
C’est pourtant ce qui s’est passé : malgré la guerre du Liban (qui a éclaté à l’improviste et a duré un mois), malgré l’aggravation de la violence en Irak et la persistance de la tension entre l’Iran, d’un côté, les États-Unis et Israël, de l’autre, le pétrole, qui s’échangeait alors à 79 dollars le baril, est redescendu aux alentours de 60 dollars, perdant ainsi 25 % de son prix en moins de deux mois.

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Cela dit, il est honnête de souligner que l’évolution du prix du pétrole est totalement imprévisible. Les experts sont eux-mêmes partagés, et les meilleurs d’entre eux se trompent régulièrement.
Le prix du pétrole, c’est 10 % d’économie et 90 % de géopolitique, soutient depuis très longtemps Daniel Yergin, l’un des meilleurs analystes de la question. Expliquant qu’aucune autre matière première n’a de liens aussi étroits avec la géopolitique, il ajoute, non sans humour, « aujourd’hui, le cours du pétrole varie de 2 dollars à chaque déclaration du président George W. Bush ».
Il rappelle deux données permanentes qu’on doit avoir présentes à l’esprit : les deux tiers des réserves mondiales sont situées dans le golfe Arabo-Persique et « le juste prix » se situe dans une fourchette de 18 à 26 dollars.

Je suis très heureux pour nous tous, y compris les citoyens des pays exportateurs, de la baisse de 25 % enregistrée depuis la fin de juillet. J’espère que cette tendance se maintiendra et s’accentuera, car je suis de ceux qui pensent que vendre le pétrole plus de dix fois (en moyenne) ce qu’il coûte à extraire et à transporter est malsain. Ceux qui payent ce prix, surtout s’ils ne sont pas riches, se saignent, et supportent une surtaxe prohibitive ; ceux qui reçoivent ce prix excessif sont transformés en spéculateurs : ils sont à la merci de tout retournement de tendance*.
Je pense également que le pétrole, matière première non renouvelable, n’appartient ni à ceux qui le produisent, ni à ceux qui le consomment, mais à toute l’humanité – celle d’aujourd’hui et de demain.

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Pour nous, consommateurs, la baisse de 25 % équivaut à la suppression d’une taxe : tout se passe comme si, d’un jour à l’autre, on nous donnait un revenu supplémentaire, un pouvoir d’achat plus élevé.
Pour les pays, globalement, la baisse du prix du pétrole fait reculer l’inflation et donne un coup de fouet à la croissance économique.
Je nous souhaite donc une nouvelle baisse qui ramène le prix du baril dans la fourchette 30-40 dollars, supportable par les consommateurs et rémunératrice pour les producteurs.
Tout le monde s’en trouvera mieux.

* À la fin de 1985, le prix du baril avait culminé à 42,50 dollars (soit 95 dollars de 2006) ; puis, quelques semaines plus tard, en mars 1986, il est redescendu à 10 dollars.

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