Abdellah Taïa : « La France d’aujourd’hui me fait peur »
L’ACTU VUE PAR… Chaque samedi, Jeune Afrique invite une personnalité à décrypter des sujets d’actualité. L’écrivain et scénariste marocain Abdellah Taïa revient sur les rapports complexes qu’il entretient avec son pays de résidence depuis plus de 20 ans et avec le Maroc qui l’a vu grandir.
Issu d’une modeste et nombreuse famille de Salé, Abdellah Taïa apprend le français, « langue des riches », pour s’émanciper de sa condition sociale. Entretenant des relations difficiles avec sa famille, il se réfugie dans la littérature, pour « mieux comprendre cette société qui le rejette pour sa différence », son homosexualité – il fera son coming out en 2006. En 1999, le jeune Taïa, 26 ans, s’installe à Paris et s’inscrit à la Sorbonne, pour réaliser un doctorat en littérature française, portant sur le roman libertin du XVIIIe siècle.
La même année, il participe au recueil de Loïc Barrière, Des nouvelles du Maroc (Paris-Méditerranée), aux côtés de Mohamed Choukri et Rachid O, figures de la littérature marocaine. En vingt ans, Abdellah Taïa, édité chez Seuil depuis 2008, publie en France pas moins de treize ouvrages. Parmi lesquels L’Armée du salut (2006), adapté au cinéma en 2013, et Le Jour du roi (2010) qui lui vaut le prix de Flore.
L’œuvre de Abdellah Taïa raconte un Maroc complexe, souvent injuste, à travers des personnages aussi sensuels que spirituels. L’auteur ancre son récit dans le réel, s’inspirant de sa propre histoire et de celle de sa famille. Dans Vivre à ta lumière, paru ce 4 mars, le romancier retrace la vie de sa mère Malika.
Je contribue à l’économie et participe au rayonnement culturel de la France, mais visiblement, cela ne suffit pas
Des années 1960 à la mort du roi Hassan II, en 1999, on y suit le récit d’une femme qui fait preuve, face aux injustices de l’Histoire, d’une résilience surhumaine.
Jeune Afrique : Vous êtes arrivé en France en 1999 pour vos études, regrettez-vous aujourd’hui la France des années 2000 ?
Abdellah Taïa : Non, je ne regrette pas cette France-là. En réalité, quand je me suis installé, je n’avais pas peur de Paris ou des Français, je n’étais pas intimidé. Évidemment, je n’étais pas dupe : j’étais conscient du caractère symbolique de la France pour quelqu’un comme moi. Je réalisais le prestige que l’on accordait à la langue française, mais désirais envahir Paris – approcher des éditeurs, écrire des livres, séduire des gens… J’avais un plan.
Bien s’informer, mieux décider
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