Vous avez dit modèle ?

Publié le 2 août 2004 Lecture : 2 minutes.

Dans son dernier palmarès annuel de la liberté de la presse dans le monde, l’organisation Reporters sans frontières classe le Bénin avant les États-Unis, le Japon ou l’Italie et en tête de tous les pays du continent africain – Afrique du Sud exceptée. Pour ceux qui, comme nous, considérons la liberté d’expression comme le meilleur test de la santé démocratique d’un État, l’ancien « Quartier latin » de l’Afrique est donc une sorte de modèle, une quasi-incongruité sous des latitudes où le droit de dire et d’écrire est aussi rare que l’oxygène au sommet du Kilimandjaro. Certes, le Bénin est confronté à des phénomènes inquiétants qui minent une partie de son corps social : la corruption sévit jusque dans les allées du pouvoir, et l’incivisme des citoyens, parfois l’incurie des édiles, a fait de Cotonou une des métropoles les plus polluées de la sous-région. Mais ces maux, partagés par tous ses voisins, ne sont que peu de choses à côté de tout ce qui distingue positivement le pays de Mathieu Kérékou, cet étrange président de 71 ans – dont vingt-sept au pouvoir – passé sans transition ou presque de Marx à la démocratie et du bois sacré vaudou à la lecture automatique de la Bible.
Parallèlement à la double conversion de l’ex-« Grand Camarade de lutte », le Bénin, jadis réputé pour son extrême instabilité, a connu depuis quinze ans deux alternances réussies au sommet et aucune tentative de coup d’État. Il n’y a ici ni prurit xénophobe, ni tension entre le Nord et le Sud, ni prisonniers d’opinion, ni tortures. Télévisions, radios et journaux privés n’ont à craindre d’autres sanctions que celles de leurs lecteurs et auditeurs. Quant à l’ancien chef de l’État et leader de l’opposition, Nicéphore Soglo, il est aujourd’hui ce qu’il n’a en fait jamais cessé d’être : le maire de Cotonou. Reste que l’un des symboles les plus intéressants du laboratoire béninois réside dans une instance clé, au fonctionnement unique en Afrique francophone : la Cour constitutionnelle. Totalement indépendante du pouvoir politique – elle en a maintes fois apporté la preuve -, cette Cour, qui peut être actée à la requête de n’importe quel quidam, a été dirigée successivement par deux femmes, toutes deux d’origine étrangère de surcroît – togolaise et haïtienne. Ce qui est inimaginable sous d’autres cieux est au Bénin parfaitement admis.

Pour quelle raison ? Vaccinés contre l’intolérance par trois décennies de chaos politique et de dictature soft qui avaient fait d’eux un antimodèle aux limites parfois du ridicule et de la caricature, les Béninois ont développé en leur sein, depuis le début des années 1990, une société civile et une opinion publique cohérentes et vigilantes, sans beaucoup d’équivalents en Afrique. C’est cette mobilisation qui fera qu’en 2006, et quelles que soient les tentations de son entourage, Mathieu Kérékou hésitera beaucoup avant de se représenter pour un troisième mandat. Il lui faudrait pour cela, auparavant, modifier la Loi fondamentale. Or, d’ores et déjà, des affiches sont apparues sur les murs de Cotonou : « Touche pas ma Constitution ! » C’est au Bénin et nulle part ailleurs.

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