Un « désengagement » pour mieux détruire

Publié le 2 août 2004 Lecture : 2 minutes.

Le plan de « désengagement » unilatéral d’Ariel Sharon s’applique aussi à la Cisjordanie. Et, comme dans la bande de Gaza, il s’agit moins d’un désengagement de sécurité entre Israël et les Territoires occupés que d’un plan politique visant à isoler chaque zone palestinienne de toutes les autres, grâce à un réseau de fortifications qui comprend des barrières, des murs, des enclaves et l’expansion de colonies juives.
L’isolement de Gaza par rapport à la Cisjordanie est une donnée géographique. Mais le processus qui conduit à séparer les régions palestiniennes les unes des autres représente un changement brutal tout à la fois de la géographie naturelle et de la géographie politique dessinée par la « Ligne verte ». Il détruit le tissu naturel et national en coupant chaque district palestinien des autres, les villes de leurs faubourgs, les villages de leurs centres urbains, les cités de leur environnement, les villages de leurs terres agricoles.

Les champions conséquents de la paix avec les Palestiniens voient dans un tel plan le moyen de ruiner toute chance de créer un État palestinien viable : seule base loyale et sûre d’un accord dans notre région. Mais ils découvrent aussi, dans une profonde frustration, à quel point même les plus vigoureuses des protestations sont impuissantes à arrêter les planificateurs et leurs exécutants. […]
À la fois physique et géographique, cette fragmentation du territoire cisjordanien en unités isolées, présentement mise en oeuvre par les autorités israéliennes, renforce par ailleurs certains caractères vicieux de la société palestinienne et de sa
direction : le « localisme » et le tribalisme, c’est-à-dire la loyauté de chacun à la tribu, à la tradition, au village et à ses origines, aux dépens des liens nationaux et de la solidarité sociale. D’où une multiplicité de tactiques et de méthodes de protestation, sans aucune coordination, un manque de programme centralisé et une mise à l’écart des élites, avec un défaut de communication entre des dirigeants aliénés et l’opinion publique.

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Un tel isolement géographique, physique et économique exacerbant le processus conduit chaque unité palestinienne – chaque famille, chaque village, chaque région – à n’affronter que les défis touchant son existence immédiate : la nourriture, le sort des enfants et des vieillards, les soins médicaux et l’éducation, dont la qualité s’est déjà détériorée. L’étroitesse grandissante des horizons de l’espace où vit la population réduira davantage encore son espérance de vie. Tous ceux qui le peuvent – notamment dans la classe moyenne – émigreront. La majorité restera, mais les nécessités élémentaires de l’existence absorberont son temps et son énergie. Émotionnellement, les gens se rebelleront, mais ils se comporteront en pratique comme s’ils s’étaient résignés.

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