Tolérance zéro

La corruption persistante excède les bailleurs de fonds… qui ont gelé plusieurs crédits.

Publié le 2 août 2004 Lecture : 2 minutes.

« Tolérance zéro » : ainsi pouvaient se résumer, il y a dix-neuf mois, les objectifs de la Coalition Arc-en-Ciel (Narc), au pouvoir au Kenya, face à une corruption endémique. Fini l’ère Moi et les scandales à répétition, Mwai Kibaki et son équipe allaient faire le ménage et redresser les torts.
« Tolérance zéro » : c’est aujourd’hui le leitmotiv des bailleurs de fonds qui n’entendent plus accorder leur aide à la nouvelle équipe sans de sérieuses garanties. Fin juillet, dix-neuf pays européens ont décidé de repousser à septembre l’affectation des 48 millions d’euros prévus pour le budget 2004. L’Union européenne a dans la foulée lancé un ultimatum au gouvernement. L’aide ne sera accordée que si le Kenya répond à un certain nombre de demandes. Parmi lesquelles : poursuivre les hommes politiques et les haut fonctionnaires soupçonnés de corruption, quel que soit leur rang, et les écarter du pouvoir pendant la durée de l’enquête ; renforcer les organes de lutte contre la corruption et les pouvoirs de John Githongo, conseiller permanent pour l’Éthique et la Bonne Gouvernance ; cesser de classer « sécurité nationale » certains projets qui ne méritent pas de l’être ; améliorer le système de déclaration de biens des fonctionnaires, etc.
Soupçonneux, le Fonds monétaire international (FMI) enverra quant à lui, au mois d’août, une équipe chargée d’analyser la situation et de décider si, oui ou non, le Kenya pourra bénéficier des 30 millions d’euros promis pour le second semestre 2004. « Nous sommes inquiets à propos de la corruption. Nous ne voulons pas être associés à des programmes sujets à une mauvaise gouvernance », a déclaré au Financial Times Jurgen Reitmaier, le représentant du FMI.
La raison de ce gel temporaire ? Les soupçons de corruption qui pèsent sur les plus hautes sphères du pouvoir depuis les révélations concernant la mystérieuse firme Anglo Leasing and Finance Ltd. Payée 4,7 millions d’euros pour faire construire des laboratoires médico-légaux et mettre en place un système de passeports sécurisés, coupable de surfacturation, cette entreprise « n’habitait pas à l’adresse indiquée »… Si l’argent a été récupéré et quatre hauts fonctionnaires suspendus dès le mois de mai, le souvenir du « scandale Goldenberg », toujours en cours, a réveillé la méfiance. Le haut commissaire britannique Edward Clay s’en est pris à l’équipe dirigeante (voir J.A.I. n° 2271), évaluant à 153 millions d’euros la somme des transactions douteuses effectuées depuis l’arrivée au pouvoir de la Coalition.
Au mois de mai, le pays avait déjà été écarté de la liste des bénéficiaires des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en raison du retard pris dans la lutte anticorruption. Sévérité excessive des bailleurs de fonds ? Soupçons renforcés par des années de gabegie financière ? Nairobi, en tout cas, ne bénéficie ni de la patience ni de la mansuétude si fréquentes pour d’autres pays du continent.

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