Opération relance

Les multiples problèmes de gestion et la désorganisation de la filière ont réduit l’engouement des planteurs pour l’or blanc.

Publié le 2 août 2004 Lecture : 4 minutes.

Les planteurs de la région du Borgou, la principale zone cotonnière du pays, sont déçus, voire désabusés. Et traînent leur frustration comme un mal de vivre. « Comment a-t-on pu en arriver là ! » entend-on dans tous les villages. À la mi-juillet, alors que la campagne était lancée depuis plus d’un mois et les pluies bien installées, les producteurs ne disposaient toujours pas d’engrais ni de produits phytosanitaires pour traiter leurs parcelles. Douze ans après le début de la libéralisation des activités, la filière est en pleine déliquescence et accumule les problèmes. À tel point que la production pourrait n’atteindre que 250 000 tonnes en 2004-2005, soit 165 000 t de moins que trois ans plus tôt. Une catastrophe nationale, alors que les voisins malien et burkinabè produisent respectivement 600 000 t et 500 000 t de coton et que les capacités d’égrenage du pays atteignent 550 000 t.
Les députés de l’opposition ont interpellé très vigoureusement les autorités le 9 juin dernier au Palais des gouverneurs à Porto-Novo. Ils dénoncent les mauvaises pratiques des opérateurs et reprochent à l’État de ne pas jouer son rôle d’arbitre et de régulateur de la filière. « Nous sommes dans une république bananière où chacun fait ce qu’il veut », a tempêté le député Saliou Mifitaou. Les états généraux de la filière coton, organisés à Parakou du 12 au 14 juillet, en arrivent à peu près aux mêmes conclusions : mauvaise gestion, manque d’organisation des planteurs, guerre de tutelle entre les différents organes de régulation et foisonnement de débiteurs insolvables. Ce constat implacable traduit l’échec d’un mode d’autogestion privée de la filière, instaurée sous l’impulsion de la Banque mondiale. Selon le dispositif actuel, l’Association interprofessionnelle du coton (AIC), qui regroupe les représentants des producteurs et des égreneurs, négocie le prix d’achat du coton pour chaque campagne et organise sa commercialisation. Elle s’appuie sur la Centrale de sécurisation des paiements et recouvrements (CSPR) qui est chargée de la collecte auprès des organisations de planteurs et de sa répartition entre les égreneurs. Or ces derniers ne respectent pas les règles de répartition de la récolte mises en place par l’interprofession. Lors de la campagne 2003-2004, les égreneurs auraient acheté quelque 63 000 t de coton via un circuit parallèle, et 5 000 t auraient été frauduleusement cédées par les producteurs à des commerçants du Nigeria. Bref, plusieurs opérateurs font cavalier seul et remettent en question tout le fonctionnement de la filière.
La Coopérative d’approvisionnement et de gestion des intrants agricoles (Cagia), qui a été mise en place pour gérer cette activité, est également montrée du doigt. Des irrégularités ont été constatées quant au respect du cahier des charges, ainsi que dans le lancement des appels d’offres pour les intrants au cours des dernières campagnes.
Si bien que de nombreux planteurs présents aux états généraux, qui versent 15 F CFA par kilo vendu pour le fonctionnement des structures d’encadrement, ont réclamé leur liquidation. Ils ont même plaidé pour un retour à un monopole de la commercialisation, tel qu’il était exercé avant l’apparition des égreneurs privés par la Société nationale pour la promotion agricole (Sonapra), l’entreprise publique qui gérait toutes les activités de la production à la vente de la fibre. « Je ne vois pas pourquoi je devrais continuer à financer les structures de régulation. La CSPR doit plus de 3 milliards de F CFA aux planteurs de notre région », explique un producteur du Borgou.
Pour la coopération française, qui a appuyé le développement de la filière béninoise depuis les années 1960, tous ces dysfonctionnements entraînent des surcoûts et réduisent les marges des opérateurs. Parmi les autres retombées négatives, la privatisation de la Sonapra devrait être retardée. En effet, les opérateurs internationaux se sont désengagés du processus, estimant l’aventure trop risquée. « Le total des offres des quatre sociétés nationales qui restent en lice ne s’élève qu’à 33 milliards de F CFA alors que l’État en escompte 75 milliards pour le rachat des différents complexes industriels. Toutes ces entreprises sont par ailleurs endettées. Si bien que les pouvoirs publics pourraient annuler la procédure en cours », explique un responsable de la Sonapra.
Enfin, les nombreux impayés et retards de paiement constatés chaque année à tous les niveaux de la filière ne faciliteront pas l’obtention de financements de campagne auprès des banques et de crédits sur les intrants auprès des fournisseurs. Cela ne manquera pas, non plus, de détourner un peu plus les planteurs de la production cotonnière pour privilégier d’autres cultures, peut-être moins lucratives, comme le maraîchage, mais qui permettent d’obtenir un revenu régulier. Fer de lance des pays africains dans leur révolte contre les subventions cotonnières des pays riches, l’État doit dorénavant agir sur le plan intérieur en remettant de l’ordre dans la filière. Sinon, c’est tout un pan de l’activité économique du pays qui risque de s’écrouler.

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