Life, le retour

Trente ans après sa disparition, le magazine américain réapparaît en octobre. Sous la forme d’un supplément distribué avec des quotidiens.

Publié le 2 août 2004 Lecture : 3 minutes.

« Je veux qu’il tombe sur la table comme un diamant », s’exclame l’homme depuis son bureau de la tour new-yorkaise qui abrite les différentes rédactions de Time Inc. Un diamant, rien de moins aux yeux de Bill Shapiro, rédacteur en chef de Life, pour évoquer la nouvelle formule du magazine, dont le lancement est programmé pour octobre. N’est-ce là qu’un des accès de mégalomanie dont sont familiers les journalistes ? Rien n’est moins sûr au regard du prestigieux passé de Life, véritable pionnier du photo-journalisme fondé en 1936 par Henry Luce. Sans compter que l’actuelle direction du groupe Time Inc., qui peut se targuer de plusieurs titres à gros tirages tels que Time, People et Sports Illustrated, y met le prix : la renaissance de l’hebdo lui coûtera plus de 20 millions de dollars… Une somme non négligeable en ces temps difficiles pour la presse.
Bill Shapiro et ses collaborateurs visent haut. En renouant avec le concept qui fit le succès de Life, c’est- à-dire des bonnes images et beaucoup d’émotion, ils entendent dépasser les chiffres record de diffusion enregistrés par l’hebdomadaire à la fin des années 1960. À l’époque, celle qui marque le début de l’omniprésence du petit écran dans les living-rooms américains, Life tire à 8,5 millions d’exemplaires. Bientôt, ce sont 12 millions d’exemplaires qui inonderont les foyers américains. Du moins, ceux qui lisent le Los Angeles Times, le Chicago Tribune ou encore The Miami Herald. Le nouveau Life sera en effet un supplément de l’édition du vendredi d’une cinquantaine de quotidiens américains. Cette stratégie a bien évidemment pour objectif de réduire au maximum les coûts.
Car si Life a symbolisé dans les années d’après-guerre la puissance de l’Amérique, en immortalisant le Débarquement des troupes alliées en 1944 ou encore les premiers pas dans l’espace de Ed White, il a aussi été victime de son succès. Les coût de production exorbitants – un papier d’excellente qualité, donc cher, mais surtout les clichés des plus grands photographes de la planète – auxquels s’ajoute la concurrence accrue de la télévision, contraignent l’équipe à mettre la clef sous la porte en 1972. Et les tentatives de résurrection du magazine, sous la forme d’un mensuel de 1978 à 2000, puis de numéros spéciaux, ne sont pas parvenus à faire redécoller Life.
Le marché publicitaire est devenu hautement concurrentiel. C’est la raison pour laquelle Time Inc. préfère rémunérer les publications qui diffuseront le supplément tous les vendredis plutôt que de créer un support de publicité à partir de rien. « Ils prennent un risque mesuré, résume l’analyste américain John Morton dans le New York Times. Si les résultats ne sont pas à la hauteur des espérances, ce ne sera pas catastrophique d’un point de vue financier. Si, au contraire, ça prend, l’affaire pourrait se révéler très juteuse. » Le groupe Time souhaite minimiser les risques, car l’année écoulée a été maussade sur le plan financier : c’est la première fois depuis dix ans qu’il n’a engendré aucun bénéfice.
Reste que le marché des suppléments est lui aussi saturé. Time Inc. va notamment devoir grignoter le lectorat de Parade, un titre diffusé à 36 millions d’exemplaires et vendu le dimanche avec quelque 350 journaux. USA Weekend, qui paraît également le « jour du Seigneur », accompagne quant à lui 600 titres et tire à 23 millions d’exemplaires.
En quoi Life se différenciera-t-il de ses concurrents ? « Par son concept », répond la rédaction en chef, c’est- à-dire des photos chocs et des personnalités en vue. Ainsi le numéro zéro consacre-t-il sa couverture au phénomène Norah Jones, la jeune chanteuse américaine qui a vendu 18 millions d’albums de Come Away With Me. Les autres articles traitent essentiellement des spectacles du moment.
Life, dont l’ambition était de « montrer la vie, le monde, d’être le témoin des grands événements », selon les propres mots de son fondateur, ne revendique donc plus son appellation de « magazine d’actualité ». Ainsi les lecteurs qui ont connu l’heure de gloire de l’hebdomadaire ne seront-ils pas déçus en découvrant la nouvelle formule. Quant aux autres, ils jugeront le magazine sur ses qualités propres et non pas au regard de ce qu’il a été.

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