La Marocaine des jeux parie sur l’Afrique

En dépit de l’hostilité du précédent gouvernement islamiste, la Marocaine des jeux et des sports a doublé son chiffre d’affaires en quatre ans. Le groupe public vise désormais les marchés africains.

Le patron de la MDJS, Younes El Mechrafi. DR

Le patron de la MDJS, Younes El Mechrafi. DR

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 27 janvier 2014 Lecture : 4 minutes.

Le secteur des paris sportifs se porte à merveille dans le royaume chérifien. Et ce n’est pas Younes El Mechrafi, directeur général de la Marocaine des jeux et des sports (MDJS) depuis 2009, qui dira le contraire. « Notre chiffre d’affaires est passé de 788 millions à 1,466 milliard de dirhams [de 69 millions à 131,5 millions d’euros] entre 2009 et 2013, et le bénéfice de 142 millions à 234 millions de dirhams », se réjouit cet ingénieur de formation, grand amateur de sport et spécialiste des systèmes d’information. Cette performance correspond à une croissance moyenne de 24% par an, alors que le marché marocain des jeux n’a crû que de 8% par an.

Ils distribuent les cartes

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Trois groupes se partagent le marché de la sous-traitance auprès des sociétés de jeux, paris et loteries. Ils leur proposent des logiciels, des systèmes de distribution mais aussi des services de conseil en marketing. Coté à la Bourse d’Athènes, le grec Intralot, dont le chiffre d’affaires a atteint 1,4 milliard d’euros en 2012, est présent dans 56 pays. En Afrique, il compte des clients au Maroc, en Afrique du Sud et au Nigeria. Quant à l’italien Lottomatica, il couvre toute l’Afrique australe ainsi que le Nigeria, le Ghana et l’Égypte. Avec une présence dans 114 pays via sa filiale américaine GTech, il affichait 3 milliards d’euros de revenus en 2012, dont 1,2 milliard en dehors d’Italie. Enfin, Scientific Games, basé à Atlanta (États-Unis), est peu présent sur le continent à l’exception de l’Afrique du Sud. En 2012, il a réalisé un chiffre d’affaires de 712 millions d’euros. C.L.B.

D’après le directeur général, ce succès n’allait pas de soi : « En mars 2012, le gouvernement conduit par le PJD [Parti de la justice et du développement, islamiste] nous a porté un mauvais coup en imposant un nouveau cahier des charges pour les médias publics, interdisant la publicité pour les jeux, paris sportifs inclus. Ce n’est qu’après une lutte acharnée que nous avons pu le faire renoncer à ce projet. » Arguant, avec l’appui des théologiens musulmans, qu’on ne pouvait comparer les produits de la MDJS à des jeux de hasard, Younes El Mechrafi est monté au créneau pour défendre le gagne-pain… de l’État.

Tutelle

« Étant dans le giron public [l’entreprise est détenue à 90% par le Trésor public et à 10% par la Caisse de dépôt et de gestion], tous nos bénéfices sont reversés à notre ministère de tutelle, celui de la Jeunesse et des Sports. Cela représentera en 2014 plus du tiers de son budget de fonctionnement. Le ministre Mohammed Ouzzine est même président de notre conseil d’administration », explique-t-il.

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Et le patron d’égrener les équipements et programmes éducatifs qui n’existeraient pas sans l’appui du groupe public. « Nous participons à la mise en place de 1 000 centres sociaux et sportifs de proximité pour les jeunes, nous finançons des infrastructures et la formation des 6 500 entraîneurs de la fédération d’athlétisme », fait-il valoir.

mdjs infoLe plaidoyer du patron de la MDJS a été entendu. D’abord par l’État : depuis le remaniement d’octobre 2013, qui a vu l’influence du PJD diminuer, le gouvernement, trop heureux de voir ses ressources augmenter en période de disette fiscale, a oublié son combat idéologique contre le jeu. Le sponsoring d’émissions et la publicité dans les médias publics sont à nouveau autorisés aux trois groupes publics actifs sur ce créneau : la MDJS (qui détient le monopole sur les paris sportifs, hors hippisme), la Loterie nationale (filiale de la Caisse de dépôt et de gestion) et le Pari mutuel urbain marocain (PMUM, sous tutelle du ministère de l’Agriculture).

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Ensuite par les Marocains eux-mêmes, toujours plus nombreux à s’adonner au loto sportif. C’est notamment le cas dans les milieux populaires qui, bien que plutôt conservateurs, concentrent la majorité des joueurs. Pour les attirer, Younes El Mechrafi a misé avec succès sur les paris à cote – pour lesquels, à la différence des paris mutuels, le gain est connu à l’avance en cas de pronostic exact sur le résultat d’un match. « Ils représentent aujourd’hui 80% de notre chiffre d’affaires, contre 20% pour les paris mutuels, et cette part va encore augmenter », assure le directeur général. Mais de nouveaux produits ont aussi été créés. « Alors qu’auparavant il n’était possible de parier que sur les résultats des matchs, désormais les joueurs peuvent miser sur les résultats à la mi-temps, sur le nom des buteurs, sur l’heure du but… » détaille Younes El Mechrafi.

En ligne

Dans son développement, le groupe marocain est appuyé par le grec Intralot, l’un des trois géants mondiaux des technologies des jeux de hasard et de sport (lire encadré). Celui-ci gère pour la MDJS les infrastructures télécoms, les terminaux de jeux et les impressions pour les 1 200 points de vente du royaume. Intralot conseille aussi le groupe public dans ses choix marketing. Toujours avec l’appui de ce partenaire, la MDJS compte notamment développer les jeux en ligne, encore balbutiants au Maroc – ils ne représentent pour l’instant que 1% de ses ventes.

Mais ce sont surtout les marchés africains que le groupe lorgne désormais. « Nous avons noué deux partenariats d’assistance sur le continent, avec les loteries sénégalaise [Lonase] et ivoirienne [Lonaci], se félicite Younes El Mechrafi. Dans les deux cas, il s’agit de les aider à augmenter leurs recettes grâce aux paris à cote. » Pour le moment, cet accompagnement est dispensé à titre gracieux mais, à l’avenir, la MDJS compte bien vendre ses services d’assistance technique.

Pour accroître sa visibilité, elle organisera en mars, à Casablanca, une conférence de l’Association africaine des loteries d’État, qu’elle espère bien redynamiser. Mais dans cette offensive de charme, elle devra toutefois faire face à un concurrent de poids : la SANL, son homologue sud-africain, lorgne également les marchés africains.

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