Edmond Bernus

Le « géographe des Touaregs » est décédé le 12 juillet

Publié le 2 août 2004 Lecture : 3 minutes.

La disparition brutale d’Edmond Bernus le 12 juillet 2004 à l’âge de 75 ans a jeté la consternation chez les africanistes, pour qui il était l’un des meilleurs spécialistes des Touaregs. Ancien directeur de recherche émérite de l’Institut de recherche pour le développe (IRD ex-Orstom), Edmond Bernus avait pourtant commencé des recherches loin du Sahel : d’abord en Guinée, en 1954-1955, puis en Côte d’Ivoire jusqu’au milieu des années 1960.

Mais c’est le Sahel qui l’attire, avec ses vastes horizons pastoraux et la richesse culturelle de ses sociétés. Chercheur de l’Orstom à partir de 1960, il commence ses études sur les Touaregs du Niger en 1965, et il les poursuivra jusqu’à la fin de sa vie. La rébellion touarègue l’empêchant de retourner sur le terrain au Niger dans les années 1990, il s’installe à Bamako, séjour écourté par le drame familial d’un accident de la circulation. Récem, il avait recommencé des enquêtes chez les Touaregs du Niger, en particulier auprès de sa tribu d’accueil, les Illabakans.
Les publications d’Edmond Bernus sont très nombreuses et signent une géographie originale. Parmi ses travaux scientifiques marquants, il convient de citer d’abord sa grande thèse d’État : Touaregs nigériens, unité culturelle et diversité régionale d’un peuple pasteur (Orstom, 1981, rééditée en 1993 à L’Harmattan). Ses études précises, minutieuses, relèvent de la géographie humaine d’une société pastorale, présentée dans ses permanences, mais aussi dans les changes qui précédèrent la crise pastorale des années 1970.
Face au drame des grandes sécheresses de 1973-1974 et de 1984, comme devant la tragédie politique des Touaregs dans les années 1990, Edmond Bernus a multiplié des analyses et des réflexions. Mais l’originalité de son approche ressort surtout de multiples articles où il traite, en toute liberté, d’une série de facettes de la culture touarègue : la littérature orale, l’aliation, les maladies, les façons de parler, l’astronomie, ainsi que les thèmes plus classiques de la vie pastorale. Ces études composent une véritable encyclopédie du monde touareg.
Sans en être un théoricien, Edmond Bernus a pratiqué une géographie culturelle qui le rapprochait des anthropologues, des linguistes, des archéologues. Cette dernière connivence s’est concrétisée par sa participation à des programmes archéologiques dont il a coordonné l’une des publications : Vallée de l’Azawagh, Sahara du Niger (Sépia, 1999). La géographie culturelle d’Edmond Bernus est construite à partir d’investigations de terrain, d’un grand investisse dans la langue (le Dictionnaire du père de Foucauld était l’un de ses principaux outils de travail) et de liens humains exceptionnels noués avec un groupe qui lui a servi d’attache et de référence lorsqu’il élargissait ses investigations.

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Au-delà de publications scientifiques, Edmond Bernus a témoigné de son expérience africaniste en recourant à divers supports : le récit littéraire (Touaregs, chronique de l’Azawak, éd. Plume, 1991), l’album photographique (Eguéréou. Niger, d’une rive l’autre. 1953-1977, Marval, 1995), le cinéma (par exemple, Le Jardin de la sécheresse, 1975). Une autre originalité d’Edmond Bernus, c’est d’avoir su vulgariser les résultats de sa recherche. Il l’a fait par des conférences mais aussi en collaborant avec des photographes pour éditer de beaux livres sur les Touaregs. Le plus imposant est celui publié avec Jean-Marc Durou : Touaregs, un peuple du désert (Robert Laffont, 1996), ouvrage préfacé par son maître Théodore Monod.
Edmond Bernus disait souvent qu’au milieu des Touaregs il menait « une recherche heureuse ». Ce bonheur et l’intensité de relations d’amitié transparaissent dans ses écrits. Avec ses collègues de l’IRD et du CNRS, il entretenait des rapports chaleureux et, vis-à-vis des jeunes chercheurs, il manifestait une grande bienveillance. Ainsi, il a encouragé – et suscité – des vocations de chercheurs sur le Sahel, en particulier celles de Touaregs eux-mêmes qu’il a aidés à étudier leur environne et leur culture.

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