Deux assassins

Publié le 2 août 2004 Lecture : 3 minutes.

La terre est aujourd’hui peuplée de plus de 6 milliards d’êtres humains ; elle n’en comptait que 700 millions au début du XVIIIe siècle. À l’orée du XIXe siècle (il y a deux cents ans), ce chiffre était « monté » à 1 milliard avant de passer à 1,6 milliard au début du XXe.
Grâce aux incroyables progrès des techniques de l’information, nous savons presque instantanément, à peu de choses près, ce qui se passe dans les moindres recoins de notre planète.
Et cela nous donne l’impression qu’elle est saisie par la violence.
Il n’y a pas eu de « grande guerre » depuis plus d’un demi-siècle, mais une multitude de conflits qui laissent à penser que la guerre et les affrontements sont partout, font plus de morts et de blessés que jamais auparavant.
Le terrorisme et la guerre qu’on lui a déclarée accentuent cette impression de tumulte sanglant.
Eh bien cette impression est trompeuse : encore une erreur d’optique.

Il y a dix mille ans, l’agriculture et le commerce étaient peu répandus, balbutiants, rudimentaires. Nos ancêtres vivaient essentiellement de la chasse et de la cueillette, et l’homme de l’époque était foncièrement un chasseur.
Fort peu nombreux – ils n’étaient qu’une dizaine de millions sur la surface du globe -, les hommes d’alors s’entretuaient beaucoup plus qu’aujourd’hui puisque les morts violentes pouvaient atteindre 40 % du total des décès et se situaient le plus souvent au-dessus de 10 %.
Ces pourcentages sont nettement moindres aujourd’hui : il y a, chaque année dans le monde, plus de gens qui se suicident – près d’un million – que d’hommes et de femmes tués par leurs semblables(*).

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Mieux soignés, les hommes d’aujourd’hui vivent plus longtemps. Mais ils meurent de maux d’un type nouveau, nés de leurs modes de vie ou de leurs conditions géographiques et sociales : dans les pays développés, ce sont les accidents cardio-vasculaires et les cancers qui tuent le plus tandis que le paludisme et le sida frappent davantage les pays du Sud et plus particulièrement ceux d’Afrique subsaharienne.

Les deux plus grands instruments de mort ont cependant été créés et mis au point par l’homme moderne. Ces deux assassins ont pour noms : le tabac et… l’automobile.
Ils tuaient beaucoup au Nord de la planète et nettement moins au Sud, mais ils ont commencé, depuis peu, à s’attaquer aux pays chauds : au fur et à mesure que ces derniers se développent, le tabac et la voiture s’y répandent et y sèment la mort.
Les méfaits et les ravages du tabac sont connus. Mais peu de gens savent que les accidents de la route font un million de morts par an, dont 90 % dans les pays en développement.
L’Afrique détient un triste record, dont elle aurait pu se passer : le continent possède le taux de mortalité routière le plus élevé au monde (28 décès pour 100 000 habitants).
L’Asie du Sud-Est n’est pas en reste : en 2000, elle supportait à elle seule plus du tiers de ce lourd tribut (435 000 décès).
Avec 125 000 morts par an, les pays développés, qui ont adopté des normes de sécurité plus sévères, sont moins durement touchés.

La situation va se détériorer davantage encore et nul ne sera épargné : en 1990, les accidents de la circulation représentaient 2,5 % des décès dans le monde, se situant au neuvième rang des causes de mortalité. D’ici à 2020, ils devraient être à l’origine de 5,1 % de ces décès (contre 2,6 % pour le sida !).
Les pays en développement – ce n’est hélas ! pas une surprise – en resteront les principales victimes.
À en croire une étude du Global Burden of Desease Project (GBD), ce type de décès devrait croître de 92 % en Chine et de 147 % en Inde d’ici à seize ans.
Ce boom des accidents mortels devrait également avoir un impact négatif sur l’économie : les analystes évaluent à 65 milliards de dollars le coût annuel du fléau pour les pays en développement.
Ce qui excède largement le montant de l’aide économique qu’ils reçoivent…

* Pour un nombre total de décès, y compris de « mort naturelle », de l’ordre de 60 millions par an, soit 1 % de la population mondiale (les naissances étant de l’ordre de 136 millions par an, soit un peu plus de 2 %).

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