Ségolène Royal au pilori

À force de multiplier bévues et provocations depuis sa défaite à la présidentielle, l’ancienne candidate socialiste est en train de choir du piédestal où l’avait élevée sa course solitaire vers l’Élysée.

Publié le 2 juillet 2007 Lecture : 5 minutes.

Ségolène Royal n’est plus la madone des sondages. À la question « à votre avis, quel serait le meilleur leader de la gauche pour les années qui viennent ? », posée les 22 et 23 juin par l’institut LH2 pour le quotidien Libération, 30 % des personnes interrogées ont répondu « Dominique Strauss-Kahn » et 21 % seulement « Ségolène Royal ». Une humiliation infligée à la candidate socialiste à la présidentielle au moment où son adversaire victorieux, Nicolas Sarkozy, augmentait encore son capital d’opinions positives, qui passent de 57 % à 63 % en un mois.
Certes, Ségolène devance son camarade de parti parmi les sympathisants de gauche (29 %, contre 20 %). Il n’empêche. Ségolène est en train de choir du piédestal où l’avait élevée sa course solitaire vers l’Élysée perdue le 6 mai. Car elle a adopté une conduite politiquement suicidaire depuis deux semaines.
Passe encore qu’elle persiste dans sa rupture avec les « éléphants » – les caciques – du Parti socialiste (PS). Elle a toujours considéré qu’ils lui étaient irrémédiablement hostiles, parce qu’elle était une femme et parce qu’ils étaient englués dans leurs batailles de courants. Elle les juge toujours incapables d’adhérer à son « socialisme du réel » qui refuse d’opposer le patron et le salarié, ou qui lui fait préconiser « un encadrement militaire pour de jeunes mineurs délinquants ». Au printemps 2007, elle n’a sollicité les Strauss-Kahn, Delors ou Fabius qu’au moment où les sondages commençaient à lui être moins favorables. Son équipe de campagne, où nombre d’entre eux figuraient, ne s’est jamais réunie. Le mépris où elle les a tenus lui a coûté beaucoup de voix face à une droite qui se présentait unie derrière Sarkozy, mais il n’a nui en rien à son aura tant les « éléphants » sont décriés dans l’opinion publique.
Passe aussi qu’elle annonce par voie de presse, le 17 juin, sa rupture avec son compagnon François Hollande, premier secrétaire du PS, avec qui elle a eu quatre enfants. Elle affirmait pourtant dans son livre de campagne Maintenant : « Oui, nous sommes toujours ensemble, et oui, nous vivons toujours ensemble. » Les électeurs du second tour n’ont pas fait grief de ce pieux mensonge aux candidats du PS ; le jour même de cette annonce, ils ont donné à ce parti plus de sièges de députés qu’il n’en détenait dans l’Assemblée nationale sortante.

Adoptant la posture de François Mitterrand, battu en 1974 et qui s’obstina à combattre Valéry Giscard d’Estaing jusqu’à le vaincre en 1981, la voici qui revendique le poste de chef de l’opposition de gauche au lendemain du second tour des législatives. Crâne, elle veut d’abord le poste de premier secrétaire, qu’occupe son ancien compagnon. Comme celui-ci est en poste jusqu’au congrès du parti en 2008, elle cherche à accélérer le tempo, forte des 58 % des sondés qui la disent « la plus capable pour rénover le PS » (Le Journal du dimanche du 13 mai). Son but est clair : devenir très vite la candidate socialiste à l’élection présidentielle de 2012. En effet, elle estime qu’elle a souffert d’avoir été désignée trop tard et d’avoir dû composer avec « un certain nombre de dogmes du passé » pour l’élaboration de son programme.
La cassure qui s’élargit de jour en jour entre elle et le PS est plus grave. Femme incontestablement de gauche, mais avec une culture de droite, elle a infligé à son parti des électrochocs. Elle a toujours joué l’opinion publique contre l’appareil, allant jusqu’à dire à la foule lors d’un meeting : « Mon équipe de campagne, c’est vous ! » Elle a ignoré les notes, les conseils, les offres de soutien que des militants de bonne volonté et souvent de grand talent lui proposaient. Avant l’élection présidentielle, la bande dite du Poitou qui l’entourait a snobé tout ce qui venait de près ou de loin de la rue de Solférino, le siège du PS. Après, elle a accusé l’appareil socialiste de ne l’avoir soutenue que du bout des lèvres.
Elle a enfourché des thèmes qui ont heurté la sensibilité socialiste. En affirmant que « tous les Français devraient avoir chez eux » le drapeau tricolore, ou en s’identifiant à Jeanne d’Arc, elle a peut-être rassuré à droite, mais elle a irrité à gauche. Durant la campagne électorale, les vieux routiers « se sont bouché les oreilles et ont fait campagne pour être au second tour », ronchonne un député socialiste.
Aujourd’hui, elle zigzague entre deux postures à l’égard du PS. Tantôt elle rêve de créer un nouveau parti de masse où s’agrégeraient socialistes et centristes. Tantôt elle joue l’opinion publique contre l’appareil et demande que l’on relance une campagne d’adhésion à 20 euros pour qu’un sang neuf lui donne la majorité qu’elle n’a pas.
Le 23 juin, elle a refusé de participer au conseil national du PS, à Paris, préférant à cet aréopage « l’authenticité » des habitants de Poitou-Charentes et son rôle de présidente de cette région. L’approbation en son absence – par 306 voix pour, 3 contre et 1 abstention – du processus de rénovation du parti élaboré par Hollande et ne prévoyant pas de changement de premier secrétaire avant 2008 a souligné l’extrême solitude de Ségolène.
Ce qu’on s’explique mal, en revanche, c’est le reniement d’une partie de ses thèmes de campagne. Le 20 juin, sur France-Info, elle n’y est pas allée par quatre chemins. « Il faut remettre en cause certaines choses, comme le Smic à 1 500 euros, qui était une idée forte de Laurent Fabius, ou la généralisation des 35 heures, a-t-elle affirmé. Ce sont deux idées qui étaient dans le projet des socialistes, que j’ai dû reprendre dans le pacte présidentiel et qui n’ont pas du tout été crédibles. Moi-même, j’avais un doute là-dessus. »
Elle arguera qu’elle a été, ce disant, fidèle à sa « bravitude » bien connue. Pourtant, ces déclarations ont fait des ravages chez nombre de ses partisans. Jean-Luc Mélenchon, sénateur PS de l’Essonne, a parlé de « duplicité » et de « provocation consternante ». Le communiste Jean-Pierre Brard s’est estimé « trompé ». Quant à l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy, qui a très tôt pris le parti de Ségolène, il a grommelé, mais avec gentillesse : « Autant j’aimais sa petite musique avant, autant je pense aujourd’hui qu’elle commet des erreurs. »

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Voici la présidente de la région Poitou-Charentes dans une zone de turbulences comme elle n’en a jamais connu. Pourrait fondre sur elle une meute de socialistes déçus et d’élus blessés semblable à celle qui a abattu Édith Cresson, Premier ministre de François Mitterrand de 1991 à 1992. On annonce de nouveaux pamphlets contre cette « femme fatale », celle qui a perdu une élection « imperdable » et qui risque de faire exploser le PS.
Si elle se met définitivement à dos le parti, elle sera dans une position pire que celle du centriste François Bayrou avec ses quatre députés du MoDem : on la voit mal créer un nouveau parti dans un système électoral qui écrase les formations minoritaires. Mais Ségolène, sentant le danger de son originalité outrancière, a déclaré le 26 juin : « Je suis dans le Parti socialiste. » Il faudra qu’elle le prouve.

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