Dis-moi comment tu bluffes

Publié le 2 juillet 2007 Lecture : 2 minutes.

Et si on parlait de poker ? De poker, oui, de ce jeu de cartes qui semble faire un retour en force en Europe. C’est devenu très à la mode de jouer au poker. Jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, prolétaires et maîtres de forge, tous se passionnent pour ce jeu qu’on associe d’habitude à Las Vegas ou au Kid de Cincinnati – vous vous souvenez du film, avec Steve McQueen ? Pour devenir un expert, ou pour en avoir l’air, ce n’est pas compliqué : vous assimilez les règles du jeu (ça prend un quart d’heure) et vous vous munissez de lunettes noires, de bottes en peau de serpent et d’un air impénétrable. Voilà, le tour est joué, vous êtes devenu un joueur, à vos risques et périls. Vous allez gagner des mille et des cents, et plus probablement perdre votre chemise contre les professionnels.

Si on est là, aujourd’hui, à parler de poker, c’est à cause d’un phénomène assez curieux, dont il semble qu’on ne l’a encore signalé nulle part – c’est donc un scoop de J.A. -, et qui est le suivant : des professionnels ont commencé à embaucher de jeunes Marocains à Amsterdam pour plumer le pigeon. Et cela sans tricher, sans rien faire d’illégal, sans violer la loi, tout simplement en jouant et en bluffant. Bluffer, c’est l’esprit même du poker, tout tourne autour de ce mélange de mensonge, d’esbroufe et de comportement casse-cou.
Mais, me dites-vous, pourquoi ces malfrats embauchent-il des compatriotes de Debbouze ? Eh bien, il semble – et ça, ça devrait passionner les anthropologues et les simples curieux – que chaque peuple, ou chaque ethnie, a sa propre façon de bluffer. On bluffe différemment selon que l’on est né dans l’Atlas ou dans les polders de la plate Hollande. On bluffe différemment selon que l’on a lu Descartes ou la vie illustrée des djinns. Par exemple, j’ai vu, de mes yeux vu, un jeune joueur, appelons-le Bouazza Junior, qui souriait imperceptiblement en regardant ses cartes. Tout le monde s’écrasa, comme on dit, tout le monde déclara forfait, supposant que Junior avait au moins cinq as en main. Eh bien, pas du tout, il n’avait qu’une paire de trois. S’il souriait c’est parce qu’il était persuadé – sa grand-mère tanjaouie le lui avait dit – que le trois porte bonheur. Et de ramasser la mise – ce qui prouve que Mémé avait raison.
On peut anticiper un comportement rationnel, mais l’irrationnel a ceci de charmant qu’il est toujours là où ne l’attend pas. Voilà l’explication. C’est idéal pour le poker.

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La morale de cette histoire eh bien, il n’y en a pas. Vous n’allez pas me dire que vous attendiez une morale dérivée du poker ? Mais on peut tout de même se réjouir de voir de nouvelles avenues – celles de Las Vegas ? – s’ouvrir devant les ados de la deuxième génération de la vieille Europe. Mais tout cela ne durera pas longtemps, heureusement. Un imam finira bien par débouler dans la salle de jeux, la barbe au vent, le chèche de travers, pour clamer que le jeu est l’invention du diable. Et ça, ce n’est pas du bluff !

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