Chine-Afrique : le choix de Pékin

Publié le 2 juillet 2007 Lecture : 3 minutes.

Pour la Chine, la superpuissance émergente et un géant industriel qui a une faim insatiable de matières premières, l’Afrique est la source à laquelle elle ira de plus en plus s’approvisionner dans le futur. Et à mesure que ce lien se renforce, l’ex-empire du Milieu se forme une autre idée du continent. La plus grande découverte qu’il a faite est que l’Afrique, longtemps considérée comme un théâtre de marionnettes, devient le lieu où se forge son image d’acteur mondial de premier plan. La pénétration de Pékin au cur du continent fera bientôt oublier sa réserve diplomatique traditionnelle et son indifférence devant la misère dans laquelle les gouvernements laissent croupir leurs populations.

Pour la première fois depuis le militantisme révolutionnaire de Mao en politique étrangère, la Chine va avoir à décider quel genre de puissance elle veut être. Dans une très large mesure, la réponse sera déterminée par la nature de ses relations avec l’Afrique. Que des impératifs sécuritaires soient créés par les besoins économiques est une loi d’airain de l’histoire mondiale, et il est peu probable qu’il en aille autrement pour la Chine.
On a inculqué à toute une génération de Chinois la doctrine postmaoïste selon laquelle Pékin « n’intervient jamais dans les affaires intérieures » d’autres pays. Beaucoup de Chinois sont prêts à vous expliquer que se salir les mains dans les crises que connaissent d’autres peuples est une vieille habitude américaine, et pas du tout chinoise. Cependant, après la mort, en Éthiopie, à la fin d’avril, de huit Chinois qui travaillaient sur un site pétrolier pour le compte de la compagnie Sinopec, on pouvait lire dans le Quotidien du peuple les propos suivants, attribués à un dirigeant de cette compagnie : « Il est exclu que nous nous retirions d’Afrique par peur du risque. Ce n’est pas un jeu pour nous. Nous renforcerons la sécurité à l’avenir, mais il est exclu que nous nous retirions. »

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Il y a déjà des signes que les dirigeants chinois sont conscients des implications politiques et sécuritaires de la dépendance de leur pays à l’égard des ressources africaines, et qu’ils commencent à préparer l’opinion publique à un changement d’attitude. La première mesure officielle sera effectivement une protection plus affirmée des ouvriers et des intérêts chinois avec tout ce que cela implique : davantage de Chinois participant au maintien de la paix, un plus grand engagement dans les règlements des conflits et finalement, lorsque les enjeux seront suffisamment importants, le déploiement de militaires pour défendre les installations chinoises.
Si importantes qu’elles soient, ces dispositions ne seront pas les seules. Dès à présent, la Chine se prépare à avoir en Afrique une diplomatie plus pointue. Elle a pris conscience que le principe « les affaires sont les affaires », que m’a invoqué en 2004 Zhou Wenzhong, un vice-ministre des Affaires étrangères, pour justifier les liens commerciaux de la Chine avec un Soudan en plein génocide, n’est plus de mode. « Il n’est pas de l’intérêt de la Chine d’être à la tête d’une coalition de despotes et de génocidaires, explique Stéphanie Klein-Ahlbrandt, une des collaboratrices du Conseil des relations étrangères. Elle procède actuellement à une réévaluation de ses intérêts politiques, qui sont plus ceux d’une grande puissance que ceux d’un pays en développement s’efforçant de protéger sa souveraineté. » On peut relever plusieurs indices du nouveau comportement chinois dans des pays comme le Zimbabwe, le Soudan et l’Angola. Tous trois ont de grandes ressources d’intérêt stratégique. Pékin leur a fait une cour assidue et les entreprises chinoises y ont procédé à de gros investissements lors de la première phase de la politique chinoise.

À présent, des indications subtiles, mais réelles, montrent que la Chine prend ses distances avec deux d’entre eux : le Zimbabwe et le Soudan. Une partie des calculs de Pékin semble être que des contacts trop étroits avec des régimes comme ceux-là feraient plus de mal à l’image de la Chine et que cela n’en vaut la peine. Pékin semble faire désormais une évaluation totalement différente du risque politique. Les régimes tyranniques au pouvoir dans ces deux pays ne seraient pas un bon pari à long terme, et la Chine pourrait y perdre plus qu’elle n’y gagnerait lorsqu’ils ne seront plus là. Mais les achats de pétrole à l’Angola posent d’autres questions gênantes, telles que le partage de la responsabilité dans le pillage du trésor d’un pays par ses dirigeants.

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