Chacun son tour

Publié le 3 juillet 2007 Lecture : 2 minutes.

Le Nigeria est à un moment critique de son histoire, ce qui n’a rien d’exceptionnel pour ce pays qui a connu tant de turbulences depuis son indépendance. Aujourd’hui, soit Abuja poursuit les réformes engagées par l’ex-président Olusegun Obasanjo, soit il reste otage des politiciens toujours prompts à user de leurs prérogatives pour servir leurs intérêts personnels.
L’écrivain Chinua Achebe, lauréat 2007 du prestigieux Booker International Prize, utilise la métaphore de la « file d’attente » pour expliquer le comportement de ses concitoyens face aux gigantesques ressources dont dispose le Nigeria, pourtant en proie à la plus extrême pauvreté. Une file d’attente, affirme-t-il, est un concept tant physique que mental. Ce n’est pas seulement un simple alignement de personnes se mettant les unes derrière les autres ; c’est aussi un accord de principe entre les individus qui reconnaissent chacun la place de l’autre. Si vous dispersez une file, elle se reforme automatiquement. Pas au Nigeria. Après plusieurs années d’un régime militaire où les dirigeants sont passés devant tout le monde, plus rien ne peut garantir que votre tour viendra. De fait, beaucoup de responsables, du plus petit fonctionnaire au gouverneur, ont essayé de tirer profit du système avant même que ne vienne leur tour. Le nouveau chef de l’État, Umaru Yar’Adua, a donc pour mission de changer ces pratiques et, plus largement, les mentalités. La tâche est herculéenne. Mais ses dispositions naturelles devraient jouer en sa faveur. L’ex-gouverneur de l’État de Katsina s’est forgé une réputation d’homme austère.

Les préoccupations du Nigeria sont les mêmes que celles de l’Afrique. Le pays, tout comme le continent, est parvenu à se développer après des années de réformes politiques et économiques. Maintenant que le pouvoir a été transmis à un civil, le défi consiste à poursuivre celles en cours et à encourager celles à venir. Vu de l’étranger, le Nigeria peut, à n’importe quel moment, basculer de nouveau dans le chaos des années passées. Plusieurs facteurs indiquent toutefois que ces changements sont là pour durer. L’équipe de réformateurs mise en place par Obasanjo a pris des mesures qui ont assaini les institutions, et pas uniquement en jetant en prison quelques criminels en col blanc. « Nous avons intégré le pays dans l’Initiative pour la transparence des industries extractives [EITI], affirme Obiageli Ezekwesili, ancien ministre des Mines, aujourd’hui vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique. Nous avons imposé un audit à toutes les entreprises publiques du secteur pétrolier, nous avons instauré un contrôle des dépenses fédérales afin d’éviter la corruption et nous avons obligé les banques à investir davantage dans l’économie réelle en les empêchant de se concentrer uniquement sur les hydrocarbures. » Reste à savoir si ces réformes structurelles permettront d’améliorer le quotidien des 140 millions de Nigérians, dont la plupart vivent dans des conditions difficiles. Ou si le pays restera aux mains de ceux qui veulent toujours passer devant les autres.

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