Brut en stock
Premier producteur d’or noir d’Afrique, le pays suscite bien des convoitises.
Lundi 18 juin 2007 : sur les marchés mondiaux, les cours du brut dépassent les 72 dollars, niveau jamais atteint depuis dix mois. En cause, l’annonce, le jour même, d’un mouvement de grève générale au Nigeria. Anticipant une baisse de la production, les traders réagissent immédiatement Rares sont les pays du continent dont l’influence s’étend au-delà de leurs frontières. Premier producteur de brut en Afrique, sixième au sein de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et douzième à l’échelle de la planète, le Nigeria, lui, s’impose par son or noir. Avec des réserves prouvées de 36,2 milliards de barils actuellement – dont 7 milliards découverts ces six dernières années -, le pays détient les dixièmes stocks mondiaux, juste après la Libye.
Les marécages de la région du delta du Niger, dans le sud-est du pays, regorgent donc de pétrole. L’offshore profond et très profond, qui ne compte actuellement que pour 25 % des 2,5 millions de barils produits chaque jour, également. À l’heure où l’on commence à évoquer l’épuisement des réserves, « le pétrole nigérian a de beaux jours devant lui », estime un diplomate français. A priori, une manne pour la fédération En octobre 2006, les réserves de la Banque centrale s’élevaient à 41,5 milliards de dollars, presque intégralement générées par les exportations de pétrole, qui fait l’objet de plus de 90 % des ventes à l’étranger et constitue la part la plus importante de la richesse nationale, soit 38,8 %. La machine n’est pas près de s’arrêter : afin d’atteindre, en 2010, l’objectif de 4 millions de barils produits chaque jour, de nouveaux permis offshore sont régulièrement mis sur le marché. Parmi les acquéreurs, les cinq majors qui travaillent de longue date dans le pays : Shell (premier opérateur), ExxonMobil, Chevron, Total et Eni. Ainsi que des compagnies locales : Conoil, Amni, Atlas
Le raffinage du brut à l’étranger représente un manque à gagner difficile à évaluer. Le pays ne compte que quatre raffineries (deux à Port-Harcourt et une à Warri, au Sud ; une à Kaduna, au Nord), qui, faute de maintenance, ne fonctionnent qu’à 30 % de leur capacité. Dans le cadre du programme de privatisations, l’une des deux usines de Port-Harcourt et celle de Kaduna ont été partiellement cédées, en mai dernier, à Blue Star, consortium d’entreprises nigérianes (dont l’une serait dirigée par un proche de l’ancien chef de l’État, ce qui n’a pas été sans éveiller quelques soupçons de favoritisme). Mais en attendant la remise en service des installations, le premier producteur de brut africain est contraint d’importer du pétrole raffiné à l’étranger et, pour ne pas accabler le consommateur, de subventionner les prix à la pompe.
Parallèlement, les agissements des groupes armés du delta du Niger empoisonnent l’industrie pétrolière. L’or noir, découvert en 1956 par Shell (qui en a commencé l’exploitation en 1958), n’a pas entraîné l’amélioration tant rêvée du quotidien des populations du delta, pas plus que des 140 millions de Nigérians en général. Quelque 60 % d’entre eux vivent aujourd’hui avec moins de 1 dollar par jour. Eaux polluées, maisons décaties, bidonvilles à n’en plus finir : Port-Harcourt et Warri – dans les États de Rivers et du Delta respectivement – ne portent pas les traces de l’or noir qui gît dans leur sous-sol. Persuadées d’être spoliées par l’État fédéral, les populations du Delta réclament un partage du gâteau plus équitable. Aujourd’hui, les États pétroliers reçoivent d’Abuja une allocation de 13 % des recettes provenant des hydrocarbures extraits dans la région du delta. Pour les groupes armés – dont le plus connu, le Mouvement d’émancipation du Delta du Niger (Mend) -, ce n’est pas assez : certains réclament qu’elle soit portée à 25 % ; d’autres vont jusqu’à 50 %. À l’approche de l’échéance électorale du 21 avril, leurs actions – enlèvements, sabotages – se sont intensifiées, faisant chuter la production de 25 % en 2006, à 1,8 million de barils. Outre ce manque à gagner, les attaques à répétition contraignent les compagnies étrangères à fermer certaines installations. De source diplomatique, elles débourseraient en moyenne 1,5 million de dollars pour obtenir la libération de chacun de leurs employés détenus en otages.
Malgré l’insécurité, les majors restent. Du nouveau chef de l’État, Umaru Yar’Adua, elles ont, avant même son investiture, reçu la garantie que leurs intérêts seraient protégés, et les contrats signés avant le changement de pouvoir, honorés. Les réserves gazières du pays – 5 000 milliards de m3, contre 4 000 milliards en Algérie – expliquent également leur persévérance. Le gaz naturel liquéfié (GNL), dont le Nigeria est le septième producteur mondial, leur offre des perspectives de développement mirobolantes : Abuja prévoit d’exporter 22 millions de tonnes par an à partir de 2010, contre 8 millions aujourd’hui.
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