Priorité à la médiation
Alors que la crise à laquelle le pays est confronté depuis son indépendance connaît une aggravation, l’option du dialogue entretient l’espoir d’un règlement pacifique de la rébellion.
L’irrédentisme touareg est un problème qui se pose de manière récurrente à tous les gouvernements qui se sont succédé depuis l’indépendance, en 1960. Mais jamais la situation n’a semblé aussi dramatique que depuis ce 20 mars 2008. Quelques rappels historiques.
La première rébellion touarègue date de 1963. Elle a eu pour conséquence l’instauration d’une longue période d’administration militaire sur les trois régions du Nord-Mali : Gao, Kidal et Tombouctou (voir carte p. 68). Au début des années 1990, une seconde rébellion agite le septentrion malien avec deux caractéristiques : d’une part, la représentation touarègue est éclatée en plusieurs mouvements antagonistes et, d’autre part, une milice apparaît au sein de l’armée malienne, le Ganda Koye, celle des véritables propriétaires de la terre, défendant les intérêts des populations noires (Songhaïs et Peuls) et qui donnera au conflit des allures de guerre civile. Une médiation algérienne réussira, en 1992, alors que le Mali est en pleine phase de transition démocratique, à imposer un pacte national. Quatre ans plus tard, le 26 mars 1996, une cérémonie solennelle a lieu à Tombouctou. Une « Flamme de la paix » consume les armes des différentes organisations rebelles, et le Ganda Koye est officiellement dissous.
Hormis quelques anicroches sans grande gravité, le Nord-Mali connaît, durant près d’une décennie, une période de calme. Jusqu’au 23 mai 2006. Ce jour-là éclate la troisième rébellion touarègue, quand une centaine d’hommes dirigés par le lieutenant-colonel félon, Hassan Fagaga, attaquent deux casernes de l’armée malienne, à Kidal et à Ménaka, pillent leur magasin d’armement et prennent le chemin du maquis de Tigherghar, dans le massif montagneux de l’Adrar des Ifoghas. De Diama, dans la région de Kayes, où il est en tournée d’inspection, le président Amadou Toumani Touré (ATT) appelle la population au calme et prône le dialogue. Mais les insurgés refusent tout contact direct avec les autorités de Bamako. Le médiateur algérien est, une nouvelle fois, sollicité. Alger pose ses conditions : du gouvernement malien, elle exige une saisine officielle, aux rebelles, elle demande de renoncer à toute revendication d’indépendance et, même, d’autonomie. Par ailleurs, elle conditionne sa médiation à l’engagement des rebelles de s’abstenir de contact avec toute autre organisation touarègue, en référence à la rébellion nigérienne. Les deux parties s’exécutent. Débutent alors, à Alger, une série de pourparlers indirects entre le gouvernement malien, représenté par le général Kafougouna Koné, ministre de l’Administration territoriale, et les rebelles désormais incarnés par l’Alliance démocratique pour le changement (ADC), dirigée par une figure historique de la rébellion touarègue : Iyad Ag Ghali. Les négociations aboutissent, le 4 juillet 2006, et les protagonistes signent les accords d’Alger, qui prévoient un allègement du dispositif de l’armée malienne dans la région de Kidal, l’intégration des ex-rebelles dans l’institution militaire au sein d’unités spéciales devant sécuriser le Sahel, et un programme de développement spécifique aux trois grandes régions du Nord malien. En mars 2007, ATT se rend à Kidal pour une réunion des bailleurs de fonds. L’Algérie et les États-Unis apportent leur concours à l’organisation de festivités grandioses célébrant la paix retrouvée. Mais la joie est de courte durée. Un des leaders de l’ADC, Ibrahim Ag Bahanga, n’est pas convaincu par les accords d’Alger. Il boude la fête de Kidal et attend son heure. Quelques mois plus tard, en août 2007, il parvient à convaincre une centaine de jeunes Touaregs, qui désertent les unités spéciales et le rejoignent dans les maquis de Tigherghar.
Depuis, l’insécurité est de mise dans toute la région du Sahel. Embuscades contre les unités de l’armée, pose de mines antipersonnel sur les axes routiers et pistes du désert, attaques de convois humanitaires et prises d’otages. L’armée malienne tente de reprendre la main, mais toutes ses tentatives échouent. Une médiation libyenne parvient, le 8 avril 2008, à un cessez-le-feu. Deux jours plus tard, un officier touareg loyaliste, le commandant Barka Ag Belkheir, est assassiné. Son corps, ligoté et criblé de balles, est retrouvé, le 10 avril, à une dizaine de kilomètres de Kidal. Son compagnon, Mohamed Ag Moussa, un prestigieux imam, a également été assassiné. Le commandant Barka avait refusé de rejoindre la rébellion, mais sa mort déclenche la fureur d’Ibrahim Ag Bahanga, qui accuse l’armée d’avoir assassiné un « officier blanc ». Kidal se vide de sa population touarègue, qui redoute le début d’un pogrom.
Retour aux bons offices algériens
ATT dépêche à Kidal une délégation de personnalités touarègues en poste à Bamako pour présenter ses condoléances à la famille du défunt et désigne une commission d’enquête. Trop tard. L’entrevue entre les émissaires d’ATT et Bahanga est un véritable dialogue de sourds. Le cessez-le-feu signé à Tripoli n’est pas appliqué. La quasi-totalité des unités spéciales rejoint, avec armes et bagages, les maquis de Tigherghar. Les attaques rebelles deviennent de plus en plus audacieuses, s’éloignent du front situé dans le Sahel pour se rapprocher dangereusement de Bamako. Diabaly, dans la région de Ségou, puis Ansango, proche de Gao, sont visés. Le 21 mai dernier, une caserne de la garde nationale « équipée et entraînée par la France », dixit un porte-parole de la rébellion, est assiégée par une colonne rebelle à Abeibara, à 140 km de Kidal. Bilan : une trentaine d’éléments, dont plusieurs officiers, sont tués et une quarantaine faits prisonniers. Une véritable psychose s’est emparée de la population, qui craint des affrontements entre les différentes communautés qui cohabitent, depuis des siècles, dans le septentrion malien.
Malgré la dégradation de la situation, ATT n’a pas changé d’avis sur l’option stratégique du dialogue. C’est pourquoi il a favorablement accueilli la décision du président algérien, Abdelaziz Bouteflika, de reprendre la médiation qu’il avait gelée à la suite d’une campagne de presse hostile de la part des médias maliens.
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