200 000 logements à saisir

Pas de crise du bâtiment en Tunisie. Au contraire, l’offre est supérieure à la demande locale. D’où la volonté de partir à la conquête de nouveaux marchés, à l’international.

Publié le 2 juin 2008 Lecture : 4 minutes.

Une fois n’est pas coutume, à l’heure où la grande majorité des Tunisiens expatriés en France prépare son « retour au bled » pour les vacances d’été, c’est la Tunisie qui débarque sur les bords de Seine. Du 6 au 8 juin prochain se tient, à l’Espace Charenton, dans le 12e arrondissement de la capitale française, le premier Salon de l’immobilier tunisien à Paris (Sitap). Organisé par une société spécialisée dans l’événementiel, à la demande des principaux acteurs locaux du secteur, le Sitap va réunir, pendant trois jours, agents immobiliers, promoteurs, banquiers et assureurs tunisiens sur un seul et même site afin de constituer une sorte de vaste guichet unique. Cible principale de cette offensive de charme : les « TRE », les Tunisiens résidant à l’étranger. Forte de 600 000 individus, la communauté installée en France est la plus importante de la diaspora tunisienne.
Présenté comme une démarche dont l’objectif est de rassurer ceux qui souhaitent investir en Tunisie (plusieurs affaires d’escroquerie ont terni l’image de la profession ces dernières années), le Sitap se veut aussi une stratégie marketing innovante pour trouver de nouveaux clients à des produits dont la promotion reste compliquée. « En Tunisie, les ventes se font essentiellement par des annonces placardées dans le journal La Presse. Très peu se font par l’intermédiaire d’Internet, explique Kameleddine Landoulsi, l’initiateur du Sitap. Notre objectif est donc de renouveler notre façon de faire connaître les biens immobiliers. »
La découverte de nouveaux débouchés pour le secteur est un impératif d’autant plus urgent que le marché immobilier tunisien est en pleine évolution. Du côté de l’offre par exemple, la concurrence s’exacerbe, au moment où la demande locale arrive à saturation. Alors qu’il y a vingt ans le secteur reposait sur un acteur principal – la Société nationale immobilière de Tunisie (Snit) -, il y a « aujourd’hui 1 500 promoteurs agréés sur la place », avance Moncef Koôli, le président du syndicat chargé de les représenter, qui est rattaché à l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), le patronat tunisien. Dans le même temps, le potentiel d’acheteurs locaux s’est en revanche considérablement réduit : près de 80 % des ménages tunisiens sont devenus propriétaires d’un appartement ou d’une villa. « Tous les Tunisiens ont le même rêve : posséder leur maison », explique Landoulsi, pour qui l’État a également joué un rôle important dans l’accession à la propriété.
Cette nouvelle donne n’empêche pourtant pas les professionnels du secteur de continuer à construire : avec 6 % du PIB environ, le BTP représente une part non négligeable de l’activité économique tunisienne. Depuis une décennie, entre 60 000 et 65 000 nouveaux logements sont édifiés chaque année dans le pays. Conséquence : 200 000 sont vides aujourd’hui, laisse entendre Moncef Koôli : « Le parc immobilier national s’élève à 2,5 millions de logements, pour 2,3 millions de ménages seulement. » Une tendance qui devrait encore s’accentuer avec le démarrage des mégaprojets émiratis.

En hausse de 8 % par an
Dernier en date, le gigantesque complexe immobilier « Sports City », présenté le 17 mai dernier par le groupe Bukhater. Prévu sur les Berges nord du lac de Tunis à l’horizon 2016, il abritera 10 000 nouvelles habitations, réparties dans 10 tours de 20 étages, des immeubles à 4 niveaux et 49 villas. En face, sur la rive sud, un investissement encore plus grandiose verra également le jour autour des années 2020. La société Sama Dubai a annoncé l’an dernier sa volonté d’y édifier la « Century City & the Mediterranean Gate », une ville nouvelle qui pourrait accueillir jusqu’à 150 000 habitantsÂ
Dans cette perspective, les TRE, plus fortunés que leurs concitoyens restés au pays – leurs revenus seraient, en moyenne, sept fois supérieurs -, constituent une clientèle d’autant plus intéressante que les prix de vente connaissent une envolée et que le nombre de logements sociaux se réduit. La situation est telle, aujourd’hui, que la Banque de l’habitat a été autorisée, en mars dernier, à réduire ses taux d’intérêt sur les prêts destinés à l’achat d’un toit (voir encadré p. 114). Depuis une quinzaine d’années, les prix de l’immobilier tunisien affichent une hausse régulière de 8 % par an, en grande partie à cause de la flambée du coût des matières premières (béton, acier) et de la raréfaction des disponibilités foncières. Dans le neuf, le prix de vente du mètre carré bâti oscille entre 450 et 1 700 DT (250 à 935 euros, voir tableau p. 112), selon que le logement se situe dans la banlieue de Tunis ou dans les quartiers les plus huppés de la capitale, de Sousse ou d’Hammamet. Et encore, ces chiffres ne prennent pas en compte les investissements émiratis Luxueux, ils devraient renchérir les tarifs lorsqu’ils arriveront sur le marché, estiment les observateurs.
Si l’élargissement d’un marché local devenu très concurrentiel est donc la motivation prioritaire des organisateurs du Sitap 2008, il reste toutefois une autre hypothèse à ne pas négliger. À l’heure où le Maghreb se positionne comme une Riviera de plus en plus prisée des retraités européens, il ne faut pas exclure que la Tunisie ambitionne de prendre place sur ce créneau, d’ores et déjà largement investi par le Maroc Du 8 au 11 mai dernier, le Parc des expositions de Villepinte, dans la banlieue nord de Paris, accueillait le Salon marocain de l’immobilier à Paris (Smap Immo), qui célébrait sa cinquième année d’existence. Si le Tunisien Kameleddine Landoulsi reconnaît que le royaume chérifien a une longueur d’avance dans cette course effrénée aux touristes français, tout porte à croire qu’il n’entend pas laisser la concurrence l’emporter sans faire valoir les atouts de son pays.

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