Des Casques bleus hors de prix !

Pour faire face aux conflits, le Conseil de sécurité multiplie à ce point les opérations de maintien de la paix que leur financement commence à poser problème.

Publié le 2 juin 2008 Lecture : 3 minutes.

Les Nations unies mettent actuellement la dernière main à leur budget des opérations de maintien de la paix. Avec 7,3 milliards de dollars (4,7 milliards d’euros) pour la période allant de juillet 2008 à juillet 2009, il s’agira du plus important de leur histoire : 10 % de plus que pour l’année dernière et près de trois fois plus, en argent et en personnel, qu’en 2003. Cette somme est également trois fois supérieure aux dépenses non militaires de l’organisation. Pourtant, il est loin d’être assuré qu’elle suffise à financer les missions des 90 000 Casques bleus à travers le monde.
7,3 milliards de dollars, cela ne représente finalement que 0,5 % du coût de la guerre en Irak pour les États-Unis. Pourtant, de nombreux diplomates membres de la commission financière de l’ONU se montrent inquiets à la perspective de devoir présenter la facture à leurs gouvernements respectifs. Ils souhaitent également qu’on s’intéresse de plus près aux affaires de corruption touchant le service des achats de matériel et aux cas de violences sexuelles auxquels certaines missions ont donné lieu.

En première ligne
Autre inquiétude, plus fondamentale : la pléthore de missions prévues ou envisagées par les quinze membres du Conseil de sécurité dépasse la capacité de contribution en personnel des États et des services de l’ONU qui gèrent les missions des Casques bleus.
« Le Conseil de sécurité perd les pédales », s’exclame, peu diplomatiquement, Richard Gowan, du Centre de coopération internationale, à New York, qui publie un rapport annuel sur les opérations de maintien de la paix. Selon lui, le nombre total des missions ne devrait raisonnablement pas être supérieur à quinze. Il estime que dépêcher 27 000 Casques bleus en Somalie, comme certains pays le souhaiteraient, et à peu près autant au Darfour, soit près de 60 000 pour la seule Afrique de l’Est, n’est pas réaliste. Selon lui, « les 7,3 milliards de dollars n’y suffiraient pas ».
Dans les couloirs de l’ONU, beaucoup jugent que le Conseil de sécurité envisage un peu trop facilement d’envoyer des Casques bleus sur des théâtres d’opérations où il n’est pas à proprement parler question de « maintien de la paix ». Par tradition, les Casques bleus ne sont pas une force de répression. Leur rôle est plutôt de veiller au respect d’un cessez-le-feu ou de servir de tampon entre des belligérants. En Afrique (Darfour, Tchad, Somalie) notamment, ils risquent désormais de se retrouver en première ligne.
Les Casques bleus sont pour la plupart originaires de pays en développement. À eux seuls, l’Inde, le Pakistan et le Bangladesh, qui disposent d’armées bien équipées et d’une solide tradition militaire, fournissent le tiers des hommes présents sur les différents théâtres d’opérations. Mais ils arrivent à la limite de leurs possibilités et se montrent réticents à l’idée d’un accroissement des risques auxquels leurs soldats sont exposés.

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Combien de bataillons ?
Quand leurs intérêts sont directement en jeu, les États-Unis et les pays européens préfèrent faire appel à l’Otan, quand ils ne lancent pas des opérations pour leur propre compte ou celui de l’UE. Les pays en développement supportent donc assez mal de fournir les gros bataillons des troupes onusiennes sans avoir voix au chapitre, les commandes restant aux mains des cinq membres permanents du Conseil de sécurité : les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, la Russie et la Chine.
C’est la seconde fois depuis la fin de la guerre froide que les opérations de maintien de la paix prennent une telle ampleur. Avant l’effondrement de l’Union soviétique, la rivalité entre superpuissances cantonnait les interventions onusiennes aux conflits régionaux. Au début des années 1990, suite aux conflits dans les Balkans, en Somalie et au Cambodge, leur nombre a été multiplié par huit, tandis que près de 80 000 Casques bleus étaient mobilisés. Par la suite, il y a eu le génocide au Rwanda (1994), que l’ONU a été incapable d’empêcher, et les massacres de Srebrenica, en Bosnie (1995). Les États membres de l’ONU ont alors renoncé aux opérations de maintien de la paix à grande échelle.
Des troubles éclatant un peu partout dans le monde, le Conseil de sécurité est de nouveau contraint d’agir. Sa réaction est, le plus souvent, d’envoyer des Casques bleus sur le terrain. Qu’il soit ou non d’accord, le Département des opérations de maintien de la paix (DPKO) est contraint d’obtempérer.

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