Coup double pour Aïssata !

« Les mots me manquent », confiait, très émue, Aïssata Bah, la mère malienne d’un des vingt-quatre élèves-acteurs du collège Françoise-Dolto, dans le 20e arrondissement de Paris, le 25 mai au soir. Elle venait de voir à la télévision son fils Boubacar, 17 ans, entouré de ses camarades de classe et du réalisateur Laurent Cantet, recevoir sur l’immense scène du Palais des festivals de Cannes la Palme d’or pour le film Entre les murs.

Publié le 2 juin 2008 Lecture : 2 minutes.

Trois jours plus tard, le 28 mai en fin de matinée, les mots lui ont encore manqué. C’était cette fois à la sortie de la préfecture de police de Paris. À en croire son amie Nathalie Boissonet, qui l’accompagnait, elle a frôlé l’évanouissement quand elle a appris qu’elle allait être régularisée. Arrivée en France en 2003, cette mère de trois enfants était en effet toujours sans papiers. Pour elle, c’est presque une seconde Palme d’or.
Cette conjonction de l’actualité cinématographique et de celle des sans-papiers issus de l’émigration africaine en France n’est pas si étonnante. Certes, même si l’épisode cannois a sans doute accéléré les choses, la décision favorable dont a bénéficié Aïssata Bah, qui est soutenue par Réseau Éducation sans frontières, était probablement prise depuis plusieurs jours. Mais le sujet du film de Laurent Cantet – qui retrace une année de cours dans une classe dont les trois quarts des élèves sont des enfants d’immigrés -, tout comme les convictions affichées par l’auteur, montrent bien que les deux actualités sont liées.
La dernière fois qu’on avait entendu parler de Cantet avant son triomphe cannois, c’était le 26 mai 2007. Le réalisateur s’apprêtait à décoller de Roissy avec son équipe dans un avion d’Air France en partance pour le Mali, quand il avait vu à l’arrière de l’appareil des policiers maltraiter un sans-papiers expulsé. Il avait protesté si vigoureusement contre les méthodes des forces de l’ordre qu’il avait été débarqué de l’avion. Mais Salif Kamaté (51 ans), l’homme qui se débattait, aussi ! En raison de la notoriété du cinéaste, l’affaire avait été relatée par plusieurs journaux. Aujourd’hui, bien que poursuivi en justice pour sa résistance lors de l’incident du 26 mai, Kamaté, qui exerce la profession de vigile, vit toujours à Paris et ne tarit pas d’éloges sur son « sauveur ». Lequel, à en croire ses déclarations au magazine professionnel Le Film français, envisage à présent de réaliser « un téléfilm sur les sans-papiers ».
Au départ, la très discrète Aïssata Bah ne voulait pas que son fils joue dans le film de Cantet (« ça ne se fait pas chez nous, faire l’acteur devant une caméra ! »). Aujourd’hui, elle ne regrette sûrement pas d’avoir changé d’avis !

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