Zakia Hamdani Meghji : « Le tourisme de masse n’est pas sans danger »

Libéralisation, privatisations et investissements ont permis d’accélérer la croissance. Mais l’aide extérieure reste indispensable.

Publié le 2 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

Figure incontournable de la vie politique, Zakia Hamdani Meghji est depuis neuf ans à la tête du ministère du Tourisme et des Ressources naturelles. « Mama Meghji », membre du comité central du CCM, fut l’une des premières femmes élues au Parlement. Originaire de Zanzibar, elle a milité au sein des mouvements étudiants dès la fin des années 1960, alors qu’elle suivait des études d’économie à l’Université de Dar es-Salaam. Elle est entrée au gouvernement en 1993 en tant que ministre de la Santé.

J.A./L’INTELLIGENT : Beaucoup de touristes croient encore que le Kilimandjaro est au Kenya…
Zakia Hamdani Meghji : Fréquente il y a encore cinq ans, cette méprise l’est moins maintenant. Pendant longtemps, le tourisme n’a pas été une priorité pour la Tanzanie. Résultat : peu de démarches commerciales ont été entreprises pour « vendre » la destination. Nos voisins ont profité de cette carence pour s’emparer du Kilimandjaro, qui culmine à 5 895 mètres et peut effectivement être admiré depuis le Kenya. Mais, depuis six ou sept ans, nous avons lancé une stratégie offensive de marketing ; dans la liste des paysages remarquables, le Kilimandjaro figure en très bonne place. Notre voisin étant membre de l’Organisation internationale du tourisme et de l’Organisation mondiale du commerce, nous avons évoqué ce litige au sein de ces institutions en dénonçant la supercherie qui consiste, pour un pays, à revendiquer le prestige d’un site qui ne lui appartient pas. Mais le tourisme reste avant tout un business, son but étant de trouver le meilleur moyen d’attirer les clients. Je laisse donc nos voisins dire : « Venez au Kenya pour voir le Kilimandjaro. » Mais je rétorque : « Venez en Tanzanie pour escalader le Kilimandjaro ! »
Pourquoi la Tanzanie s’est-elle tournée vers le tourisme de luxe ?
Si nous avions favorisé le tourisme de masse, nous aurions aujourd’hui des centaines de milliers de visiteurs, mais nous aurions sacrifié notre environnement. Quand nous avons commencé à nous bagarrer pour « vendre » le Kilimandjaro, les touristes ont afflué. Nous avons alors décidé de limiter leur nombre pour stopper la dégradation du site. Pour diminuer le nombre de visiteurs, nous avons augmenté le prix d’entrée. Et, surtout, nous avons entamé une diversification. Le nord du pays est déjà bien exploité ; il faut donc nous tourner davantage vers le Sud, songer à mettre en valeur nos 800 kilomètres de plage, les rives du plus grand lac d’Afrique, le lac Victoria, et du plus profond, le lac Tanganyika, développer l’écotourisme et le tourisme culturel en faisant la promotion de sites historiques comme la cité médiévale de Kilwa. Pour le moment, nous centrons nos activités sur la découverte de la vie sauvage et nous tablons sur la venue d’un million de touristes d’ici à 2010, chiffre qui représente uniquement ceux que nous pensons attirer vers les parcs naturels. Si nous arrivons à diversifier nos activités, nous devrons revoir ce chiffre à la hausse, sans pour autant sacrifier notre environnement.
Quels sont les résultats de cette politique ?
Nous enregistrons une croissance annuelle de 20 % du nombre des visiteurs et de nos revenus. En 2003, 531 000 touristes sont entrés en Tanzanie et nous avons gagné 731 millions de dollars. Mais il faut éviter que la hausse du nombre de visiteurs l’emporte sur celle des revenus.
Comment comptez-vous faire de la Tanzanie une destination haut de gamme ?
En encourageant les investissements dans l’hôtellerie de luxe. Et en favorisant la formation du personnel.
Quelles menaces pèsent sur l’environnement ?
Il ne faut pas privilégiez les gains immédiats au détriment du long terme. Si, dans un parc naturel, on décide d’implanter dix campings, il n’en faut pas un de plus. Si l’on autorise une trop forte concentration d’infrastructures touristiques à un endroit donné, on risque de tout compromettre. Notre environnement est très fragile ! Nos voisins se sont engagés dans le tourisme de masse, avec le résultat que tout le monde connaît. Les animaux se moquent des frontières. Ils n’ont pas besoin de passeport pour les franchir et gagnent les sites où ils trouvent de meilleures conditions de vie. Aujourd’hui, on constate un mouvement de migration vers le Sud, du Kenya vers la Tanzanie.
En 2003, les États-Unis ont évoqué la présence de risques terroristes en Tanzanie. Quelles en ont été les conséquences sur votre activité ?
La Tanzanie combat le terrorisme. Et avec l’aide du gouvernement américain, nous avons renforcé la sécurité aux aéroports. Les alertes émises sur notre pays exercent une influence néfaste. Et les pays occidentaux les maintiennent sur leurs sites Internet bien après l’adoption des mesures nécessaires. En 2003, l’affluence a baissé de 2 % ou 3 %, alors qu’elle aurait dû croître. Mais les visiteurs se rendent compte que la Tanzanie est un pays calme. Au final, ce sont eux qui font notre promotion.

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