Vu de Paris: « Abandon de poste? Non, abandon de position »

Publié le 2 mai 2005 Lecture : 3 minutes.

A l’instar de l’ONU, dont le secrétaire général Kofi Annan a rapidement exprimé son satisfecit global quant au déroulement de l’élection présidentielle togolaise du 24 avril, la France s’est abritée derrière la position de la Cedeao pour apprécier les conditions de ce même scrutin. Cette volonté de « coller » à l’institution régionale, qui avait dépêché 150 observateurs sur place, a valu à Paris de très vives critiques tant de la part de l’opposition togolaise que d’une partie des médias, des ONG et des partis politiques français (le Parti socialiste notamment). Abandon de poste ? « Non, abandon de position », répond l’un de ceux qui font la politique africaine de la France, « nous ne nous ingérons plus, quitte à ce qu’on nous le reproche ». Tout en reconnaissant que le message est difficile à passer, tant les vieux réflexes ont la vie dure, ce spécialiste poursuit : « Il faut faire confiance à la Cedeao, laquelle joue sa crédibilité dans cette affaire. Les chefs d’État qui la dirigent connaissent bien mieux que nous les risques et les données de la situation togolaise. En cas d’échec et d’embrasement, ils seront en première ligne, d’autant que leurs ressortissants sur place sont infiniment plus nombreux que les nôtres. Ils feront donc tout pour trouver la meilleure – ou la moins mauvaise – solution. Ce qui se passe en Côte d’Ivoire avec les résultats de la médiation Mbeki démontre l’efficacité d’un processus purement africain. Vouloir dénier au Togo une démarche et un filtrage identiques, n’est-ce pas, finalement, faire preuve de néocolonialisme ? » Ce haut fonctionnaire, qui se félicite de ce qu’aucune « voix discordante » ne soit venue troubler le choeur unanime des membres de la Cedeao, avoue « ne pas bien comprendre la stratégie de l’opposition togolaise, à moins que ce ne soit celle du pire ». Tant à Bruxelles en 2004, lorsque le gouvernement Eyadéma a été contraint de souscrire à ses fameux 22 engagements démocratiques, qu’à Lomé lors de la prise du pouvoir avortée de Faure Gnassingbé, le 5 février dernier, « les opposants ont toujours exigé des élections le plus rapidement possible, ainsi que le strict respect de la Constitution. La Cedeao leur a donné satisfaction, tout en sachant que le Togo s’engageait ainsi sur un chemin étroit, difficile et à haut risque, parce qu’il n’y avait pas d’autre choix. Aujourd’hui, dans la mesure où les résultats du scrutin ne lui conviennent pas, elle réclame la reprise du processus dans un délai indéterminé. Croyez-vous sérieusement que, dans ce cas, l’armée togolaise resterait l’arme au pied ? Quand on sait que cette armée a sa cohérence, sa logique et sa discipline propres, qu’elle n’est pas formée au maintien de l’ordre et qu’elle demeure largement monoethnique, ce ne sont pas 50 morts qui endeuilleraient les rues de Lomé, mais 1 000. »
Pour l’heure, notre interlocuteur prévoit « quelques chaudes discussions à Bruxelles avec les Allemands, lesquels ont en Joschka Fischer, leur ministre des Affaires étrangères, un homme très sensible à l’opinion des ONG en matière togolaise alors que le commissaire européen Louis Michel est lui beaucoup plus proches de nos thèses ». Reste que l’essentiel des bailleurs de fonds du Togo, ajoute-t-il, s’est prononcé en faveur d’un gouvernement d’union nationale, lequel devra organiser des élections législatives dans les meilleurs délais et que nul n’a encore exigé que l’on recommence la présidentielle du 24 avril – y compris les Américains. « Après tout, soupire notre diplomate l’élection togolaise, avec toutes ses imperfections, a été aussi démocratique sinon plus que les élections irakiennes ou afghanes. » Vue de Paris, la démocratie ne se proclame pas, elle s’apprivoise. Une subtilité bien indigeste pour les « Patriotes sans frontières » de Lomé et d’ailleurs…

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