Tunisie : le retour de l’étrange mégaprojet Tunis Sports City
Salah Bukhatir, le président du groupe de BTP émirati éponyme, relance un projet immobilier de haut standing à cinq milliards de dollars dans la capitale tunisienne. Un dossier qui mêle le frère du président Saïed, des architectes en colère et même l’Olympique de Marseille.
Une conférence de presse est rarement palpitante. Au moins sert-elle à donner les informations de base : qui, quand, où, comment, pourquoi ? Celle du 10 mars sur la reprise du projet urbain Tunis Sports City n’aura pas totalement permis de répondre à ces questions. Elle a surtout soulevé d’autres interrogations plus gênantes.
Pourtant, tous les éléments étaient en place : maquettes et vidéos pour vendre les 250 hectares d’hôtels de « très haut standing », de résidences « de standing international », de quartier d’affaires « aux dernières normes internationales », d’espaces commerciaux de « dimension internationale », d’un parcours de golf neuf trous labellisé par The Professional Gulf Association – United Kingdom (organisation qui gère le golf professionnel)… et présence de l’Émirati Salah Bukhatir, président du groupe éponyme.
Ce dernier n’a pas tardé à lâcher le montant de cinq milliards de dollars (4,6 milliards d’euros), un chiffre magique dans un pays où les investissements directs étrangers sont en chute libre (- 33 % depuis 2018). Une esquisse de calendrier en trois phases a aussi été dévoilée : 2026, 2028 et 2031. Bien. Mais, à part cela, rien de nouveau sous le soleil.
Depuis 2008 et l’approbation du projet par Zine el-Abidine Ben Ali, les communiqués de presse vantent ce projet qui doit transformer le quartier du Lac, dans la proche banlieue nord de la capitale. Quatorze ans après, rien n’est achevé, hormis le siège de la filiale tunisienne du groupe Bukhatir. Le dirigeant émirati justifie la situation par les soubresauts économico-géopolitiques : la crise des subprimes en 2008 qui a fortement ébranlé son groupe, la révolution tunisienne de 2011 et l’instabilité politique qui a suivi. Dont acte.
Ghetto pour riches étrangers
Mais la situation actuelle – guerre en Ukraine et flou politique depuis le coup de force institutionnel du président de la République, Kaïs Saïed – n’incitent guère à l’optimisme. « C’est le meilleur projet [urbain] en Tunisie actuellement. Et les bons projets ne sont pas impactés par la mauvaise situation extérieure », réplique Salah Bukhatir. Faut-il en déduire que jusqu’ici Tunis Sports City n’était pas « le meilleur projet en Tunisie » ? Et comment l’est-il devenu tout à coup ?
Bien s’informer, mieux décider
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