Massacres coloniaux en Algérie

Alors que l’Europe célèbre la fin de la Seconde Guerre mondiale, dans le Constantinois, des manifestations nationalistes sont réprimées avec une violence inouïe par l’armée française. Que s’est-il vraiment passé ce jour-là et ceux qui l’ont suivi ? Quel

Publié le 2 mai 2005 Lecture : 2 minutes.

Le 8 mai 1945, alors que les Alliés fêtaient leur victoire sur l’Axe, le Constantinois, au nord-est de l’Algérie, pleurait ses morts, pansait ses blessés et redoutait la poursuite d’une terrible répression. Les villageois de la région avaient alors appris une supplique : Tiyara sefra, habsi ma tadharbich, « Avion jaune (celui qui larguait sans compter ses bombes), arrête de nous viser ». Cette prière devint très vite une chanson populaire nourrissant le patriotisme des nationalistes de tous bords. Les massacres de Sétif ont, sans doute, constitué un acte fondateur de ce que les uns appellent « révolution » et les autres « événements » puis « guerre d’Algérie » pour évoquer la lutte de libération.
Ce 8 mai 2005 a toutes les chances d’être une journée retentissante. Il y a deux mois, fin février 2005, Hubert Colin de Verdière, ambassadeur de France en Algérie, s’est rendu à Sétif, et devant un parterre d’étudiants ébahis, a reconnu la réalité des massacres. Une première pour la France officielle qui n’était jamais passée aux aveux. On pourrait faire dans le cynisme en reprenant la formule de cet universitaire algérien : « Paris a mis un demi-siècle pour reconnaître sa responsabilité dans la déportation de 75 000 juifs sous Vichy ; soixante ans pour admettre que la France libre a commis des atrocités peut paraître raisonnable. »
Pour l’historien Benjamin Stora, les massacres de Sétif sont tombés au plus mauvais moment pour la France, « celui où l’on tentait de fabriquer un consensus pour faire oublier Vichy. Il fallait bâtir le mythe de la victoire d’une France soudée autour de sa résistance en occultant tout ce qui pouvait souiller ce mythe ». Sétif était plus qu’une souillure. Ce que cette région a vécu en 1945 ressemble fort à des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité, même si ce « concept » est né plus tard. Assumer la répression pouvait faire désordre au moment où l’urgence était de restaurer la République et où la toute nouvelle puissance, les États-Unis, affichait son intention de mettre sur le tapis la question des empires coloniaux.
La démarche de l’ambassadeur de France en Algérie était certes motivée par le « souci d’autrui » ou encore par « le respect dû aux victimes », mais il n’échappera à personne qu’elle intervient l’année les chefs d’État des deux pays ont décidé de faire aboutir un projet de traité d’amitié entre Alger et Paris. Veut-on nettoyer le terrain avant d’arriver aux sujets qui fâchent ? Certainement, mais les Algériens sont-ils prêts à oublier le tragique épisode ? La Fondation du 8 mai 1945, l’une des plus actives en Algérie, a jugé le geste du diplomate français insuffisant. Cependant, il est peu probable que, des deux côtés de la Méditerranée, on veuille aller plus loin, jusqu’à la repentance et l’indemnisation. Personne ne tient à ouvrir la boîte de Pandore.

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