Présidentielle au Kenya : Kenyatta officialise son soutien à Odinga
Samedi 12 mars, le président kényan a officiellement annoncé qu’il soutenait son ancien rival pour le scrutin d’août prochain.
« Nous avons choisi Raila Odinga pour être le 5e président du Kenya ». Samedi 12 mars, c’est ce qu’a lancé le président Kenyatta à plusieurs milliers de ses partisans rassemblés à Nairobi. Ce soutien scelle le rapprochement de deux des grandes dynasties politiques qui se sont historiquement combattues dans les urnes.
En 2018, Uhuru Kenyatta et Raila Odinga avaient déjà sidéré le pays en se serrant la main et en déclarant une trêve après les violences post-électorales de 2017 qui avaient fait des dizaines de morts, alors qu’en 2007-2008, une précédente vague de violences post-électorales avait déjà causé plus de 1 100 morts.
Le mois dernier, c’étaient leurs deux partis qui s’étaient rapprochés, le Jubilee de Kenyatta ayant annoncé rejoindre la coalition Azimio la Umoja (Quête d’unité) d’Odinga en vue des scrutins présidentiel et législatif de l’été.
« Nous n’avons aucun doute, nous avons un capitaine d’équipe qui s’appelle Raila Odinga », a confirmé samedi Uhuru Kenyatta, 60 ans, qui achève un second mandat et ne peut pas se représenter, en vertu de la Constitution kényane.
Un challenger en disgrâce
À 77 ans, Raila Odinga qui va se présenter à une 5e élection présidentielle, a assuré accepter « cette nomination avec absolue gratitude et dévouement ». Ce rapprochement entre deux anciens adversaires est l’évènement politique « le plus inattendu de l’histoire dkno-fv wHYlTd z8gr9e">u] pays », a-t-il ajouté.
Mais cette alliance laisse de côté le vice-président William Ruto, initialement destiné à succéder à M. Kenyatta. L’homme, exclu de Jubilee fin février et en rupture publique avec le président depuis plusieurs mois, a néanmoins prévu de se présenter à la présidentielle d’août. Et, même s’il ne s’est pas officiellement déclaré candidat, il s’affiche déjà comme tel, multipliant les meetings.
Jeune et charismatique, William Ruto, 55 ans, a mené ces dernières années un opiniâtre travail de terrain, se voulant le représentant des « débrouillards » du petit peuple face aux dynasties politiques qu’incarnent Kenyatta et Odinga, dont les pères furent respectivement président et vice-président du Kenya.
« La plus grande préoccupation liée au scrutin est la démocratie dans notre pays et le fait de savoir si nous avons vraiment la possibilité de faire des choix libres sans chantage, menaces ni intimidation », a-t-il déclaré la semaine dernière, lors d’une visite aux États-Unis. Avant d’ajouter : « pour de nombreux Kényans, la seule inquiétude est l’intrusion d’agences essayant de manipuler la décision du peuple à différents niveaux. »
Uhuru Kenyatta et William Ruto avaient tous deux été inculpés par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes contre l’humanité pour leur rôle présumé dans les violences post-électorales de 2007. Ces affaires ont ensuite été abandonnées, l’ancienne procureure de la CPI, Fatou Bensouda, ayant estimé qu’une campagne d’intimidation des victimes et des témoins rendait tout procès impossible.
« Le vainqueur rafle tout »
Si Raila Odinga était élu, sa présidence marquerait une rupture au niveau ethnique. Depuis l’indépendance en 1963, seuls des présidents des ethnies kikuyu – celle de Kenyatta – et kalenjin – celle de Ruto – ont en effet dirigé le Kenya. L’élection d’un Luo marquerait une rupture significative dans plus d’un demi-siècle de la vie politique locale.
Ancien prisonnier politique et ancien Premier ministre, Raila Odinga bénéficie désormais du soutien de 26 partis politiques réunis au sein de la coalition Azimio la Umoja. Mais son image d’adversaire irréductible de l’establishment a souffert de son rapprochement avec le président Kenyatta.
Pour les détracteurs de la réforme constitutionnelle, il s’agit d’une manœuvre de Kenyatta pour se maintenir au pouvoir en tant que Premier ministre
Les deux hommes ont tenté en vain de réformer le régime avec un projet de révision constitutionnelle qui s’est heurté à une forte résistance. Baptisée « Building Bridges Initiative » (BBI), cette révision prévoyait notamment de créer de nouveaux postes dans l’exécutif (un Premier ministre, deux vice-Premiers ministres, un leader de l’opposition) et d’augmenter le nombre de parlementaires de 290 à 360.
Selon le président Kenyatta, à l’origine de ce projet, cette ouverture du pouvoir aurait permis de diluer la règle du « vainqueur rafle tout », qu’il considère comme la cause des conflits post-électoraux qu’a connus le pays. Mais pour ses détracteurs, il s’agissait surtout d’une manœuvre du chef de l’État pour se maintenir au pouvoir en tant que Premier ministre.
Attaquée de toutes parts, l’initiative s’est embourbée dans un imbroglio juridique, jusqu’à remonter à la Cour suprême du pays, dont le verdict est en suspens.
(Avec AFP)
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