Les espoirs du sous-sol

Publié le 3 mai 2005 Lecture : 5 minutes.

La Tanzanie vit sous perfusion. Traditionnellement gratifiée par ses partenaires occidentaux (Royaume-Uni, Pays-Bas, Norvège, Finlande, États-Unis, Japon) du titre de « bon élève », à l’instar du Ghana et du Mozambique, elle vit largement d’aides bilatérales et multilatérales. Et son excellente image lui vaut de larges remises de dettes. La Tanzanie est même « le pays où l’harmonisation et la progression vers l’aide budgétaire sont les plus rapides », explique la Banque mondiale. Fait rare en Afrique, les bailleurs de fonds se réunissent le premier mardi de chaque mois pour parler d’une seule voix au gouvernement. Les partenaires extérieurs (à l’exception du Japon, de la Chine et des États-Unis) versent leurs contributions dans un basket fund qui regroupe l’ensemble des fonds alloués à Dodoma pour les secteurs de l’éducation et de la santé. « Si on ne fait pas confiance à la Tanzanie, on ne fera confiance à personne », avoue un diplomate européen. Résultat : le pays reçoit environ 140 millions de dollars par an au titre de l’initiative d’allègement de la dette des pays pauvres très endettés (PPTE), et l’aide constitue 45 % du budget de l’État.
Cette économie d’assistance est héritée de la période socialiste. S’ils ont eu quelques avantages notables, comme l’unification de la nation grâce à la swahilisation, les principes marxistes du Mwalimu ont empêché l’expansion de l’économie tanzanienne, notamment dans le domaine minier, et ont freiné les investissements étrangers. Quand il s’agissait d’investir en Afrique de l’Est, les pays occidentaux s’intéressaient au Kenya bien avant la Tanzanie. Une image que les autorités tentent de faire évoluer. De fait, les investissements directs étrangers ont progressé de 62 millions de dollars en 1993 à 248 millions en 2003.
Depuis quelques années, Dar es-Salaam s’anime. Les bâtiments poussent comme des champignons. Les banques, les entreprises de télécommunication ou de distribution d’eau viennent voir ce qui s’y passe. Si l’ouverture économique a été décidée en 1985 avec l’arrivée d’Ali Hassan Mwinyi, c’est sous Benjamin Mkapa qu’elle s’est véritablement concrétisée. Le déficit budgétaire a été réduit, l’inflation maîtrisée (de 30 % en 1995, elle est descendue à 4,4 % en 2003), et le processus de privatisation des nombreuses entreprises publiques est bien avancé. À ce jour, 335 des 425 sociétés publiques ou parapubliques sont passées sous contrôle privé. Résultat : la croissance s’est maintenue autour de 5,5 % par an depuis cinq ans.
Malgré tout, la Tanzanie reste un pays agricole. Environ 80 % des 36 millions d’habitants vivent encore de l’agriculture. Le secteur primaire représente 45 % du PIB. Il en découle une situation de dépendance aux aléas climatiques que le pays tente de faire évoluer, en diversifiant ses sources de revenus.
Depuis la libéralisation, le secteur minier se développe rapidement. Avec une progression estimée de 15 % par an, l’extraction minière représente dorénavant 62 % des recettes d’exportations (voir encadré). Le secteur tertiaire connaît une belle croissance, notamment grâce au tourisme. En cinq ans, l’industrie touristique a pris une place très importante dans l’économie tanzanienne. Le pays attire quasiment 600 000 touristes par an, avec un rythme d’augmentation annuelle de 20 %. Les pouvoirs publics, conscients de la mine d’or que représentent les paysages grandioses du Kilimandjaro ou de Zanzibar, ont pris les mesures nécessaires pour préserver leur environnement, grâce à des politiques fermes de protection de la vie sauvage.
Malgré les progrès réalisés, la Tanzanie demeure l’un des pays les plus pauvres du monde, avec un revenu par habitant d’environ 290 dollars en 2004, et près de 70 % de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté (2 dollars par jour). L’espérance de vie est descendue à 44 ans, en raison des ravages du sida, du paludisme et de la tuberculose, et le pays est 162e sur 177 au palmarès mondial du développement humain. Même si la Tanzanie produit elle-même les moustiquaires pour lutter contre un paludisme très dangereux, le taux de mortalité infantile est encore de 8,5 %, et celui des enfants de moins de 5 ans de 15 %. Une campagne de grande envergure a été lancée en 2004. Chaque femme enceinte reçoit 2 750 shillings pour acheter une moustiquaire et ne doit débourser que 250 shillings de sa poche.
Le développement du pays et notamment de la capitale économique s’est accompagné d’une croissance mal contrôlée de la population. « Dar es-Salaam croule sous l’afflux de la population rurale, déplore le maire de la ville, Kleist Sykes. Sa croissance démographique est de 4,3 % par an depuis six ou sept ans, et les infrastructures n’arrivent pas à suivre. Environ 70 % des gens vivent dans des habitations informelles. Voir des classes primaires avec cent cinquante enfants est devenu chose commune à Dar. Et la majorité des arrivants est vouée au chômage. » La Tanzanie souffre d’un manque criant de personnel qualifié. Ces dix dernières années, la priorité du gouvernement a été mise sur l’éducation primaire, et les résultats sont plutôt bons : le taux d’alphabétisation des 15-24 ans est passé de 83 % en 1990 à 91 % en 2002. La Tanzanie a également reçu des fonds importants pour lutter contre le sida. Les premiers antirétroviraux ont été importés à la fin de 2004 et distribués à quatre mille malades. Aujourd’hui, le pays possède suffisamment de fonds pour traiter tous les patients, mais ne parvient pas à organiser les campagnes de dépistage par manque d’organisation et de personnel. n
Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que la Tanzanie s’est lancée dans l’extraction minière. Pour son plus grand bonheur. Depuis 1998, une grande mine s’ouvre chaque année. Avec 15 % de croissance par an, le secteur est en pleine expansion. Et avec 48 tonnes d’or produites en 2004, la Tanzanie est désormais le troisième producteur du continent, après l’Afrique du Sud et le Ghana, et devant le Mali. Ce n’est pas tout : l’exploitation des pierres semi-précieuses (tanzanite, émeraude) se porte bien. Si les grandes mines sont exploitées par des entreprises étrangères (la canadienne Barrick, les sud-africaines Placer Dome et AngloGold, en association avec la ghanéenne Ashanti), un projet de petites mines voit le jour. Une nécessité pour la Tanzanie, qui n’a pas su négocier aussi bien que certains de ses voisins les royalties à réclamer aux compagnies étrangères. Les petits opérateurs ont désormais le droit d’exploiter le sous-sol tanzanien, et des mesures incitatives ont été prises pour favoriser la taille des pierres sur place. À partir de 2006, l’exportation de pierres non taillées sera tout simplement interdite (le carat de tanzanite brut se vend entre 100 et 150 dollars, tandis que la pierre taillée se négocie aux environs de 300 dollars). Contrairement aux grandes compagnies, les petites mines ne créent pas d’infrastructures (routes, écoles, dispensaires). Mais elles permettent une meilleure répartition de la richesse. n E.C.

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