Un territoire à reconquérir

Les disparités régionales, l’urbanisation anarchique et l’exode rural ont provoqué de graves déséquilibres dans le développement du pays. Les autorités s’emploient aujourd’hui à les corriger.

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 4 minutes.

La répartition de la population algérienne est marquée par un profond déséquilibre. Près de 65 % des habitants se concentrent sur moins de 10 % de la surface totale du pays. Cela ne va pas sans provoquer de graves disparités régionales et une structuration urbaine anarchique, mais aussi un déficit chronique en matière de transport, d’habitat et d’équipement. Si rien n’est fait pour infléchir cette tendance, l’Algérie de 2025 se caractérisera par une accentuation de la « littoralisation », c’est-à-dire, la concentration des trois quarts de ses habitants dans le Tell, une bande large de quelques dizaines de kilomètres longeant la façade maritime, soit 1 200 kilomètres de côte d’est en ouest. Facteur aggravant, le Tell est un espace d’activité tectonique complexe à vulnérabilité sismique élevée. Ce qui explique qu’un schéma national d’aménagement du territoire (Snat) soit en cours d’élaboration.
Mondialisation, internationalisation des flux commerciaux et financiers, développement des moyens de communication ces phénomènes induisent une forte concurrence internationale entre les métropoles du pourtour méditerranéen en vue de développer leur attractivité et d’affirmer leur statut au sein des grands ensembles économiques existants ou en voie de constitution. Sur le plan interne, il s’agit d’assurer un développement harmonieux et durable de l’ensemble du territoire national, alliant l’efficacité économique, l’équité sociale et la protection de l’environnement. La rationalisation de l’occupation de l’espace vise ainsi à corriger les inégalités en matière de conditions de vie, d’une région à l’autre. Le Snat introduit donc une politique de reconquête du territoire grâce à deux programmes de développement ciblant le Grand Sud (8 milliards de dollars) et les Hauts Plateaux (10 milliards de dollars). Objectif : permettre un redéploiement des populations vers ces grands espaces peu occupés pour sauvegarder la zone littorale et les grandes métropoles à vocation internationale.
L’option des Hauts Plateaux est également subordonnée au lancement de grands travaux, notamment dans les domaines des infrastructures routières et ferroviaires, de l’hydraulique, de l’énergie et des télécommunications, ainsi que dans ceux de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. L’organisation de l’urbanisation se fera par la promotion de « métropoles régionales d’équilibre » : Batna Sétif, Djelfa et Tiaret pour les Hauts Plateaux ; Béchar, Biskra, Illizi, Ouargla et Tamanrasset pour le Grand Sud. Outre les agglomérations déjà existantes, la réalisation d’une dizaine de villes nouvelles, dont Boughzoul et Hassi Messaoud, est envisagée afin de répondre à des exigences de déconcentration administrative et de délocalisation d’activités industrielles.
La disponibilité des ressources en eau est l’un des facteurs de concentration des populations dans le nord du pays. Le déficit pluviométrique, la rareté des ressources et le coût faramineux de l’exploitation de la nappe albienne imposent une meilleure maîtrise de la gestion de l’eau. Le Snat préconise la récupération et le recyclage des eaux usées et un transfert à partir des barrages du Nord. Afin de désenclaver des pans entiers du territoire, le schéma repose aussi sur le renforcement du réseau routier existant, la réalisation d’une rocade autoroutière des Hauts Plateaux et l’achèvement de la Transsaharienne. Le chemin de fer doit contribuer à cet ensemble avec la relance de la Boucle du Sud (Touggourt-Ouargla-Djelfa), la rectification des lignes existantes en voie étroite et l’aboutissement de la rocade ferroviaire des Hauts Plateaux. Ces deux régions s’étendent sur plus de 80 % de la surface du pays, soit près de 2 millions de kilomètres carrés. Vu l’immensité de la zone, le transport aérien y est donc vital. Le Snat évoque aussi le renforcement et la modernisation des aéroports ainsi que la réalisation de deux nouvelles aérogares : Oum el-Bouaghi, en pays chaoui, et Boughzoul, qui pourrait devenir la nouvelle capitale algérienne. Par ailleurs, le développement des infrastructures dédiées à l’enseignement et à la recherche vise à inciter l’élite à opter pour des régions jusque-là boudées. La décentralisation des laboratoires de recherche devrait réorienter ces structures vers les Hauts Plateaux et les plans de développement en cours ont arrêté un programme de réalisation de pôles universitaires, soumis à une amélioration des conditions de vie dans les agglomérations du sud du pays pour un rééquilibrage en matière de peuplement.
Autre pilier du Snat : le programme de développement durable dédié au monde rural. En 2006, une enveloppe de 4 milliards de dollars a été consacrée aux 700 communes (sur un ensemble de 1 600) les plus pauvres du pays. Il s’agit de faire revenir les populations ayant déserté leurs terres durant la décennie écoulée, marquée par le terrorisme islamiste. L’amélioration des conditions sécuritaires constatée ces dernières années s’est révélée insuffisante pour convaincre les populations de revenir occuper un espace demeuré peu attractif. Outre une politique de soutien à l’activité agricole (voir p. 72), un programme de renforcement des infrastructures et de développement local a été mis en place pour les y inciter. Le transfert d’activités économiques (hors agriculture) est la voie retenue pour la création d’emplois et l’amélioration des revenus des populations rurales. « Il s’agit de décongestionner les villes par une revitalisation du monde rural par une structuration territoriale qui permette de jouer sur la complémentarité entre l’espace urbain et le monde rural. », affirme Cherif Rahmani, ministre de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire et principal artisan du Snat.
Le Snat dresse l’image prospective de l’Algérie à l’horizon 2025. Il définit les conditions d’occupation du territoire et établit les bases de la redistribution des activités et du peuplement. Ce document a constitué un élément déterminant dans l’élaboration du programme quinquennal de soutien à la croissance (2005-2009) pour un investissement total de près de 140 milliards de dollars.

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