États-Unis : les Blacks et les Latinos

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 3 minutes.

Les élections américaines du 7 novembre 2006 ont été marquées par un petit événement : pour la première fois, un musulman, le démocrate Keith Ellison, représentant du Minnesota, a fait son entrée au Congrès. L’islam n’est pourtant pas un phénomène nouveau aux États-Unis. Selon certaines études, au moins 10 % des esclaves arrachés au continent africain étaient musulmans. La fin du XIXe siècle vit affluer une vague d’immigrants arabes, Syriens et Libanais pour la plupart, en provenance de l’Empire ottoman. Puis, après la Seconde Guerre mondiale, ce sont des étudiants originaires de l’ensemble du monde musulman et dont beaucoup firent souche qui vinrent renforcer les effectifs de la communauté. Mais l’islam connut son plus grand essor dans les années 1960 avec les conversions en masse des Noirs des ghettos. Dans une Amérique qui peinait à tourner la page de l’esclavage, l’islam, dans lequel il n’y a pas de race ou de peuple élu, leur est apparu comme un mouvement libérateur. Personne n’a oublié le rôle qu’a joué dans ce sens le très charismatique Malcolm X, passé de l’extrémisme sectaire au combat pour l’égalité raciale.
Aujourd’hui, les Africains-Américains, avec quelque 3 millions de fidèles, représentent plus de 40 % des 7 millions de musulmans du pays de l’Oncle Sam. Suivent les Indo-Pakistanais et autres originaires de l’Asie du Sud (25 %) puis les Arabes (12 %).
Mais, comme en Europe, l’islam fait de nouveaux adeptes au sein de toutes les composantes de la population. Chaque année, plus de 50 000 personnes se convertissent. Comme en Europe, certains membres de l’élite blanche du Nord-Est et de la Californie sont touchés par la grâce du soufisme. Le plus étonnant, toutefois, est la très forte progression des musulmans d’origine hispanique. Leur nombre s’élèverait à 200 000 aujourd’hui. Issus de tous les milieux sociaux, ils viennent à cette nouvelle foi, comme beaucoup d’Européens, par le mariage, mais aussi parce qu’ils trouvent des convergences avec les musulmans noirs sur des questions comme la pauvreté et l’immigration. L’attachement des uns et des autres aux valeurs familiales, à la fidélité conjugale et au respect de la femme, y compris à travers le port du voile, sont d’autres points de rapprochement. Certains Latinos découvrent ou imaginent par la même occasion, quand ce n’est pas une raison supplémentaire de se convertir, des fondements islamiques de leur identité culturelle, notant que la présence, pendant plusieurs siècles, des musulmans en Espagne a marqué leur langue, leur musique, leur cuisine. C’est d’ailleurs pourquoi au terme conversion ils préfèrent celui de « reversion » pour signifier que ce changement de religion est un retour aux sources.
C’est ainsi que la carte géographique de l’islam américain évolue sensiblement. Plus que jamais, la Californie (plus de 1 million de fidèles) et New York (plus de 800 000) abritent les plus grandes concentrations de musulmans. S’ils sont bien représentés dans l’Illinois, le New Jersey, l’Indiana, le Michigan, l’Ohio, leur présence est de plus en plus significative dans des États du Sud comme le Texas et la Floride. Selon la sociologue française Jocelyne Césari, l’engouement actuel pour l’islam doit être situé dans ce contexte de « vaste marché du religieux » que sont les États-Unis. Dans ce pays où l’on se déplace sans difficulté d’une région à une autre ou d’un métier à un autre, on change presque tout aussi aisément de religion. Au sein du christianisme, d’abord, où beaucoup sont aujourd’hui séduits par les sirènes du courant évangélique. Après le bouddhisme, le taoïsme et toutes les formes de spiritualité ou d’ésotérisme empruntées à l’Asie, l’islam représente un peu la dernière mode. Son avantage est d’offrir des schémas dogmatiques simples – on ne s’encombre pas avec des histoires de Sainte Trinité -, des repères moraux clairs et une discipline de vie rassurante dans un pays en proie aux dérèglements en tout genre.
Alors même que, depuis les attentats du 11 Septembre, la vie des musulmans américains, suspectés à tout moment d’être des terroristes en puissance, prend des allures de cauchemar, la montée en puissance de leur religion se poursuit. Elle est même celle qui progresse le plus dans le pays. Par les conversions, mais aussi du fait de l’immigration. En 2005, près de 100 000 personnes originaires d’un pays musulman ont obtenu un permis de résidence, le chiffre le plus élevé depuis vingt ans. Un autre chiffre pour situer cette progression : près de 90 % des 2 000 mosquées que compte le pays ont été construites depuis moins de trente ans.

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