Que font les pays arabes ?

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 4 minutes.

La catastrophe humanitaire du Darfour ne laisse pas les pays arabes insensibles. Mais certains de leurs médias peinent à dissimuler leur scepticisme devant ce que la presse occidentale qualifie de « génocide ». Plusieurs journaux arabes considèrent d’ailleurs que le « tapage » fait autour du Darfour n’est qu’un écran de fumée mis en place par les États-Unis et Israël afin de détourner l’opinion publique de leurs politiques menées en Palestine et en Irak.
Fin février dernier, alors que la Cour pénale internationale (CPI), après quatorze ans de délibérations, déboute la Bosnie de sa plainte de génocide contre la Serbie, presque simultanément le procureur général de la plus haute instance judiciaire des Nations unies accuse deux officiels soudanais de crimes de guerre au Darfour. « Il ne s’agit pas pour nous, commente le quotidien jordanien Addostour, de défendre, au regard de leur nationalité ou de leur religion d’origine, les personnes pouvant être impliquées dans des crimes contre l’humanité. Mais nous sommes en droit de nous demander ce que cache cette politique à sens unique. » Et d’ajouter : « Nous n’avons jamais entendu la voix du procureur du CPI parler de crimes contre l’humanité commis au Liban, en Palestine et en Irak. » « Le réveil de la justice internationale à propos du Darfour est le bienvenu, écrit encore le quotidien jordanien. Mais nous aurions souhaité que cette même voix condamne les autres catastrophes qui touchent les musulmans et les Arabes. » De son côté, le journal égyptien Al Goumhouriya estime que l’administration américaine profite de la récente accusation formulée par le procureur de la CPI pour exercer davantage de pressions sur le Soudan. Et diviser au final ce pays arabo-africain. « Cette attitude, lit-on dans le quotidien, est ridicule lorsqu’on sait que les États-Unis et leurs alliés commettent actuellement des crimes bien plus graves en Irak, tuant des enfants, violant des femmes, assassinant des civils, détruisant des mosquées et des maisons. Avant de s’ingérer dans les affaires de pays comme le Soudan et de feindre la compassion, Washington devrait d’abord revoir sa propre politique extérieure qui ne mène qu’à des massacres et à des catastrophes dans la région. »
Depuis 2005, la Ligue arabe s’implique davantage encore dans la recherche d’une solution. En mars, le Sommet d’Alger appelle « les parties régionales et internationales à uvrer pour un règlement pacifique et urgent de la crise en vue de consacrer l’unité du Soudan et préserver sa souveraineté et son intégrité, loin de toutes pressions étrangères ». D’autre part, et du fait que neuf de ses pays membres sont arabo-africains, elle fait part de son soutien à l’Union africaine (UA) dans ses efforts de paix. Le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, participe aux négociations, menées sous l’égide de l’UA, entre le gouvernement soudanais et les groupes armés à Abuja entre 2005 et 2006. En mars 2006, le sommet arabe de Khartoum doit choisir entre la volonté des États-Unis de remplacer la mission de paix de l’UA au Darfour par des troupes sous commandement de l’ONU et le refus catégorique de Khartoum. Les chefs d’État de la Ligue arabe considèrent la présence de troupes occidentales avec un large mandat, y compris d’enquête sur les crimes de guerre visant les dirigeants soudanais, comme une menace à la souveraineté du Soudan et un encouragement des mouvements rebelles à durcir leurs positions dans les négociations de paix. Et finissent par se prononcer en faveur du maintien d’une force de l’UA renforcée par des troupes et des observateurs des pays arabo-africains. À condition toutefois que le gouvernement soudanais donne son accord préalable. Mais les États-Unis et leurs alliés font pression. Et Khartoum finit par accepter des troupes onusiennes sous commandement de l’UA afin de mettre en uvre l’accord de paix signé à Abuja en mai 2006. Reste à mettre au point les modalités. Un bras de fer diplomatique s’engage alors entre les différentes parties lors du sommet de la Ligue les 28 et 29 mars à Riyad, en Arabie saoudite. Il devrait se poursuivre dans les prochaines semaines au siège des Nations unies, à New York.
Dans toutes ces négociations, deux pays voisins du Soudan jouent un rôle important : l’Égypte, dont les liens avec le Soudan sont ancestraux ; et la Libye de Mouammar Kadhafi, qui cherche à mettre en exécution l’accord signé entre les chefs d’État du Soudan et du Tchad en février 2006 par lequel chacun s’engage à n’accueillir aucune base rebelle sur son territoire. Le « Guide » libyen entretient également d’étroites relations avec les chefs de plusieurs factions rebelles du Darfour. « Le problème ne doit pas être réglé par les kalachnikovs, les lance-roquettes ou les Toyota », a déclaré Kadhafi aux présidents soudanais Omar el-Béchir et tchadien Idriss Déby Itno venus le 21 février à Tripoli pour réaffirmer leur engagement à empêcher les affrontements de part et d’autre de leur frontière commune.
En réalité, la Libye apparaît comme le seul pays arabe disposant de moyens d’action pour influer sur le cours des événements au Darfour. Ses liens historiques avec les mouvements rebelles et ses rapports privilégiés avec les pays africains voisins du Soudan peuvent constituer un atout. Mais cela ne semble guère suffisant. Tout au plus a-t-elle permis à l’UA, appuyée par la Ligue arabe, de mettre au point l’accord de paix d’Abuja en mai 2006. Un accord dont seule l’application pourrait déboucher sur une solution.

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