Quand Alger tient salons

La multiplication des rencontres à caractère économique révèle l’engouement des entreprises étrangères pour le marché intérieur.

Publié le 2 avril 2007 Lecture : 5 minutes.

Conscientes du formidable potentiel de développement du pays, les entreprises européennes redécouvrent l’Algérie. Ce regain d’intérêt se traduit depuis quelques années par une inflation de foires et de salons professionnels. Autant d’occasions offertes à ceux qui cherchent à prospecter ce marché de rencontrer des partenaires potentiels et de s’informer sur les opportunités de différents secteurs productifs. D’autant que, en dehors du pétrole, le pays importe quasiment tout. C’est aussi dans ces espaces que s’échafaudent les nouvelles idées, nécessitant de nouveaux équipements.
L’événement phare demeure la Foire internationale d’Alger (FIA), moment idéal pour prospecter pour la première fois. Segmentée par pays et non par secteurs économiques, la FIA en est à sa 40e édition. Elle a accueilli l’an dernier plus de 1 635 exposants, dont 1 100 entreprises étrangères, et près de 330 entreprises françaises installées sur 10 % de la surface d’exposition. « La France a particulièrement gagné en visibilité depuis trois ans, explique un chef d’entreprise algérien. On constate même un intérêt pour le marché des institutionnels algériens (départements, régions) de la part d’intervenants français, organisateurs d’événements conçus en France. » Le deuxième partenaire de la FIA en 2006 a été le Maroc (61 exposants), suivi de l’Allemagne (60 et des États-Unis (44), talonnés par la Chine, avec 41 exposants. Ouvert au grand public, ce grand rendez-vous n’est pas aussi restrictif que les salons plus spécialisés.
« Il n’y a qu’une dizaine de salons professionnels au sens strict du terme, à côté d’événements mixtes », explique Laurent Bertrand, directeur de Djazagro, le rendez-vous agroalimentaire organisé par le français Comexpo, avec la Chambre algérienne de commerce et d’industrie et la Safex (Société algérienne des foires et expositions). « À Djazagro, par exemple, tous les visiteurs sont badgés et doivent avoir une invitation. C’est aussi le seul événement que nous organisons à l’étranger », précise Laurent Bertrand. Le nombre d’exposants a été multiplié par deux depuis sa création en 2003, atteignant près de 350 aujourd’hui répartis, sur 10 000 m² : une moitié d’opérateurs français, une cinquantaine d’entreprises algériennes, mais aussi des sociétés italiennes, belges, etc.
« L’arrivée de la grande distribution y est pour quelque chose », conclut le responsable de Djazagro. Après l’inauguration d’un premier magasin à Alger en janvier 2006, Carrefour annonce l’ouverture d’un hypermarché de 9 000 m2 dans la capitale et projette d’en ouvrir encore 18 d’ici à 2012. D’autres enseignes devraient l’imiter. Parallèlement, Comexpo organise depuis l’an dernier le salon Equipauto et, pour la première fois, Forum Labo (destiné notamment aux fournisseurs de laboratoires agroalimentaires et médicaux), avec 100 % d’exposants étrangers.
« Actuellement, les événements les plus rentables sont ceux qui accompagnent des projets », explique Omar Bedkane, patron d’Initiative, une petite agence algérienne. Le BTP (10 % du PIB en Algérie) est donc très bien représenté. « Ce créneau devrait se développer pendant encore une bonne trentaine d’années, car les technologies évoluent rapidement et le pays est en pleine reconstruction, avec d’énormes chantiers à la clé », poursuit Omar Bedkane. Au cours des cinq dernières années, Batimatec (organisé par les allemands Fairtrade et Imag), s’est fait une véritable place au soleil en regroupant l’ensemble des acteurs qui gravitent autour du bâtiment. Une vitrine qui attire plus de 600 participants (contre 72 en 1998), dont 300 sociétés étrangères.
Les nouvelles technologies de l’information suscitent également l’intérêt des organisateurs : pas moins de quatre rencontres sont liés à ce secteur pour le seul mois d’avril. Les hydrocarbures, principale filière d’exportation du pays, ont évidemment leurs manifestations attitrées, comme le Salon international des hydrocarbures et du gaz (Sihgaz) dont la troisième édition, qui s’est tenue en janvier dernier, a affiché complet (150 exposants sur 4 000 m²). D’autres domaines bénéficient de leurs propres manifestations, comme l’hydraulique, les énergies nouvelles, l’agriculture, le tourisme, l’automobile ou encore le secteur médical.
Géographiquement parlant, l’activité des foires et des salons touche également des villes moyennes, comme Oran, qui a sa propre Foire internationale et son Salon des hydrocarbures, ou Sétif, ville agricole et industrielle située sur les hauts plateaux à l’est d’Alger, de plus en plus active. Annaba se réveille doucement, mais manque encore cruellement d’infrastructures, comme le reste du pays d’ailleurs. Alger, si elle est la mieux équipée, ne dispose elle-même que d’un seul parc, le Palais des expositions, géré par la Sapex, avec une surface d’exposition de plus de 75 000 m².
« Mais cette activité florissante de salons se tassera plus vite qu’on ne le pense », analyse Omar Bedkane, compte tenu d’un regroupement progressif des secteurs et de l’arrivée de grands noms de l’événementiel (tels le français Comexpo ou l’allemand Fairtrade), sans parler des organisateurs algériens (Safex, Caci, Capedes, Initiative, etc.). « Il faut avoir les reins solides, y croire, avoir les moyens de convaincre. Mais dans trois ou quatre ans, le paysage sera stabilisé. La dynamique aura duré en tout et pour tout une dizaine d’années avant de trouver son cadre définitif », poursuit-il.
Son agence, Initiative, créée en 2004, fait partie des plus petits acteurs, qui organisent, parallèlement aux grandes manifestations, des salons plus modestes, ouverts au grand public sur des thèmes très divers. « Je suis architecte de formation, explique-t-il. Mais nous avons vécu des années difficiles, et j’ai été contraint de m’orienter vers un autre domaine. » Ses salons hébergent une trentaine d’exposants en général, mais sur des créneaux plus pointus : le Sonim (Salon du son et de l’image en Algérie), le Salon de l’hygiène publique, Arbo (Salon de l’arboriculture fruitière) et Bricoutil (Salon de l’outillage et du bricolage). « S’il n’y a pas toujours de sollicitation a priori, nous la suscitons, car les besoins existent : l’idée consiste à mettre en relation l’offre et la demande une fois par an autour d’un thème sur lequel on ne dispose que de peu d’informations. Il est certes très difficile de rentabiliser ce type d’événements, mais nous essayons de travailler sur le long terme. »
Et Omar Bedkane d’ajouter : « Le problème en Algérie, c’est qu’il faut accepter de se montrer. Certains préfèrent encore trop souvent être absents d’une manifestation plutôt que de s’exposer. » Les habitudes évoluent malgré tout dans les salons professionnels : « Avant, les gens venaient acheter des produits cash, la relation commerciale était essentiellement liée au prix. Aujourd’hui, on réfléchit davantage en termes de projet et de business plans », conclut Bertrand Laurent.

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